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Dans un contexte où les prix des récoltes et la croissance des coûts de production échappent largement au contrôle des agriculteurs, de quelle latitude ces derniers disposent-ils en matière de coûts fixes pour accroître la résilience à court et à long terme de leur entreprise ? Au cours de cet épisode de L’entreprise agricole, nous recevons Brent Gloy, professeur invité au département d’économie agricole de l’Université Purdue, avec qui nous discutons des précautions à prendre pour réduire les risques associés à une compression des marges bénéficiaires.
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La série L’entreprise agricole, qui vous est offerte sur le site RealAgriculture.com (site en anglais seulement), est une présentation de RBC Banque Royale.
LS: Quel est le degré de résilience de votre ferme ? La résilience, dans le cas d’une ferme, peut signifier plus d’une chose. Votre système de culture peut être résilient, votre terre peut être résiliente – mais qu’en est-il de l’entreprise elle-même ? Au cours de ce quatrième épisode de la série L’entreprise agricole, qui vous est présentée par RBC Banque Royale, nous parlons de compression des marges.
Les agriculteurs doivent, cela va de soi, composer avec les prix existants. Au chapitre du prix des récoltes, ils disposent indéniablement d’outils grâce auxquels ils peuvent mettre en marché leur grain et essayer de tirer le meilleur avantage possible des variations de prix des récoltes. Toutefois, ces outils sont, en fait, des options de gestion. Lorsqu’il est question spécifiquement des efforts destinés à amener une récolte à maturité, les coûts sont de deux types : certains sont variables et ont trait à des intrants qui sont liés essentiellement au travail agricole ; d’autres sont fixes et concernent les terres, les machines et les autres éléments de ce type. Un agriculteur réaliste sait qu’il ne peut pas espérer changer quoi que ce soit au prix des intrants. Cela dit, un agriculteur cultive ce qu’il cultive – et il ne va pas réduire la surface cultivée de sa ferme simplement parce que les prix des intrants augmentent. En somme, le seul levier sur lequel il peut agir, ce sont les coûts fixes.
Comment un agriculteur peut-il gérer ses coûts fixes de manière à être en mesure d’anticiper ou de gérer une compression des marges bénéficiaires ? Pour nous aider à répondre à cette question, nous avons invité M. Brent Gloy, qui est agriculteur au Nebraska et enseigne à l’Université Purdue. M. Gloy a examiné la question de la compression des marges sous plusieurs angles. Au cours de ce quatrième épisode de la série L’entreprise agricole, qui vous est présentée par RBC Banque Royale, M. Gloy nous indique au moins trois directions à explorer. Et je me permets de mettre en garde nos auditeurs : non seulement cette baladodiffusion est instructive, mais elle incite à agir.
Anticiper une compression des marges et prendre des mesures de gestion en conséquence, cela exige un peu de travail, car il faut faire ses « devoirs », donc un peu de calcul. Et cela pourrait même nécessiter certaines communications et certaines conversations que vous aviez peut-être reportées à plus tard. Nous abordons la question de la compression des marges en examinant les coûts fixes. M. Gloy propose aux agriculteurs d’examiner la structure globale de la dette de leur ferme, et avance des arguments susceptibles de les amener à troquer certains avantages à court terme contre une amélioration à long terme de la résilience de la ferme. Il soulève aussi une question plutôt dérangeante pour certains : les coûts liés à la machinerie. Il est bien connu que les agriculteurs aiment leurs machines. Cependant, il arrive que la nouvelle machine qu’on s’apprête à acheter – ou que l’équipement existant sur la ferme – n’ait pas les caractéristiques de taille, d’efficacité ou même de durée de vie qui conviennent au contexte d’utilisation projeté.
Nous abordons ensuite la question des ententes relatives aux terres exploitées. Si vous suivez les conseils donnés à cet égard, vous devrez peut-être faire certaines démarches et avoir certaines conversations qui ne seront pas nécessairement faciles, mais qui vous procureront des dividendes appréciables à long terme. Et tout cela, bien entendu, a pour objet d’accroître la résilience de votre entreprise agricole. Donc, allons-y. Mon nom est Lindsey Smith, directrice de la rédaction de RealAgriculture.com. Je suis en compagnie de Brent Gloy, qui va nous aider à comprendre ce qu’il est possible de faire pour nous protéger contre les effets de la compression des marges.
Brent, nous abordons aujourd’hui un sujet sur lequel vous avez fréquemment écrit et parlé en public : la compression des marges. En guise d’entrée en matière, de quoi parle-t-on quand on parle de compression des marges ?
BG: Quand on parle de compression des marges, on parle en général d’une situation où les prix des extrants baissent alors que les prix des intrants restent inchangés. Cela a pour effet de réduire considérablement les marges bénéficiaires. C’est exactement le phénomène qui s’est produit dans le secteur des cultures en rangs – et aussi, de façon générale, à l’échelle de l’Amérique du Nord. Nous avons observé un recul assez marqué des prix des extrants, principalement dans le maïs, le soya, le blé et dans une foule d’autres cultures. Parallèlement, les prix des intrants – engrais, produits chimiques, semences, etc. – ne se sont pas vraiment rajustés à la baisse de façon significative. Et donc les profits sont devenus très minces.
LS: Je crois que les agriculteurs comprennent intuitivement que certains coûts augmentent plus vite que d’autres. Ils comprennent aussi, bien sûr, la tendance inverse, à savoir que certains coûts s’alignent plus lentement sur les prix. Quels sont, en général, les coûts qui varient plus vite ou plus lentement ? Comment cela se répartit-il ?
BG: Je crois que la plupart peuvent comprendre ce phénomène. Selon moi, la frustration des agriculteurs tient au fait qu’ils savent qu’en général, le coût de location et la valeur des terres augmentent et diminuent beaucoup plus lentement. C’est un fait bien connu. Et donc, nombre d’agriculteurs sont frustrés de constater que les prix des intrants (produits chimiques, engrais, etc.) ne diminuent pas du tout. Cette rigidité des prix leur semble illogique. Les prix des intrants finissent par s’ajuster, mais il faut un peu de temps – en partie parce que les coûts fixes de production ont tendance à être très élevés dans le secteur agricole. Cela dit, de manière générale, les prix ne baissent pas au point de décourager les agriculteurs de semer. Et donc, comme nous continuons de semer, la demande relative à l’ensemble de nos intrants demeure élevée. Cette année, la superficie que nous avons ensemencée en maïs et en soya est presque aussi importante que l’année dernière. Cela a pour effet de maintenir le niveau élevé des prix des engrais et des produits chimiques. Et tant que la superficie ensemencée ne diminuera pas quelque peu, la demande relative à ces intrants restera forte. Tout cela se traduit par une compression des marges bénéficiaires. Donc, tant que la demande relative à ces intrants ne diminuera pas, leurs prix resteront élevés. Par conséquent, le seul levier à notre portée, ce sont nos coûts fixes. Et comme nous le savons tous, ces coûts bougent difficilement : toute réduction est modeste et exige du temps. En somme, dans le contexte actuel, il faudra sans doute une couple d’années pour que tout revienne à une sorte d’équilibre. C’est ce que nous attendons.
LS: J’aimerais que nous parlions des stratégies permettant aux agriculteurs de s’adapter à un contexte de compression des marges – et à cette situation où les prix s’ajustent plus lentement qu’ils ne le souhaiteraient. Et quels sont les agriculteurs qui courent le plus grand risque ? Y a-t-il un type d’agriculteurs ou de situations pour lesquels il est plus difficile de relever le défi dont vous parlez ?
BG: Selon moi, il est clair que les gens qui courent le plus grand risque sont ceux qui sont lourdement endettés et qui doivent assumer des coûts de location très élevés – dans un contexte où ces coûts ne se rajustent à la baisse que lentement. Les agriculteurs qui paient très cher la location de vastes superficies auront de la difficulté à réaliser des profits à court terme. Ils doivent donc avoir d’importantes réserves financières pour faire face à la situation. Les agriculteurs qui n’ont pas suffisamment de réserves financières et qui ne parviennent pas à se donner une marge de manœuvre sont les plus vulnérables dans ce contexte.
LS: Et, comme vous le disiez, les agriculteurs vont malgré tout faire leur métier, qui est de semer leurs récoltes – même si les prix des intrants sont élevés. Quelles sont les stratégies qu’ils pourront utiliser au cours des prochaines années pour composer avec ce rétrécissement des marges ?
BG: Je crois qu’il faut d’abord comprendre que cette situation se prépare et que nous ne reverrons sans doute pas à court terme le niveau de rentabilité que nous avons connu ces dernières années. Cela dit, je ne voudrais pas dépeindre un tableau exagérément pessimiste, car il est clair que nous sommes encore très loin du moment d’engranger une nouvelle récolte surabondante – il peut encore se produire beaucoup de choses d’ici la récolte. Toutefois, si nous avons de nouveau une bonne récolte, je crois qu’il faut nous attendre à des prix faibles. Et donc c’est maintenant que les agriculteurs doivent faire des efforts pour maintenir des réserves de liquidités et prendre en main la structure de leur dette. Lorsque j’ai parlé des agriculteurs qui sont vulnérables, je n’ai pas mentionné ceux qui ont acheté récemment d’importantes propriétés à prix très élevé – ces agriculteurs pourraient connaître des difficultés. Toutefois, cette situation me semble aussi receler une occasion. Je m’explique : les agriculteurs avaient beaucoup de liquidités après la période de forte croissance qu’ils ont connue. Certains ont sans doute acheté des immobilisations, notamment des propriétés et des terres. Ils ont fait d’importantes mises de fonds dans ce type d’actifs. Or, dans le contexte actuel, la structure de leur dette n’est plus en accord avec la situation de leur entreprise. En d’autres termes, ces agriculteurs ont obtenu un financement à très court terme pour divers actifs à long terme. Le moment est propice, maintenant, pour commencer à examiner la structure de leur dette – et peut-être pour harmoniser davantage leurs actifs et leurs passifs. En somme, si votre bilan comporte beaucoup de terres, mais n’affiche aucune dette liée à celles-ci, il pourrait être opportun de songer à emprunter en mettant ces terres en garantie, et d’allonger ainsi la période de remboursement de certaines de vos dettes à court terme.
LS: Où l’équipement se situe-t-il dans ce tableau ?
BG: Pour résister à la compression des marges, l’une des principales mesures consiste à chercher à réduire ses coûts fixes. Sur une ferme, en général, une bonne part des coûts fixes a trait aux terres – c’est-à-dire à des contrats de location de terres, à des paiements de terres et à la valeur des terres. L’autre portion de ces coûts concerne l’équipement, et il est probablement opportun à l’heure actuelle de se poser les questions suivantes : « Est-ce que j’ai l’équipement approprié pour ma ferme ? Est-ce que j’ai un excédent de capacité ? Est-ce que j’ai vraiment besoin de cette nouvelle pièce d’équipement cette année ? Comment puis-je conserver ma souplesse et maintenir la rapidité d’exploitation de mes terres tout en exerçant un meilleur contrôle sur mes coûts fixes ? »
Pour répondre à ces questions, il faut d’abord simplement regarder la situation telle qu’elle est. Selon moi, bon nombre d’agriculteurs ne prennent pas le temps d’entreprendre une réflexion ou une analyse portant sur ce que coûte véritablement l’équipement utilisé dans leurs activités. Il est bon de commencer par une telle analyse. Et j’ai remarqué que les données qui en ressortent peuvent varier énormément – parce que les coûts et les investissements liés à l’équipement sont très divers. Donc, pour la plupart des entreprises agricoles, cela vaut le coup d’entreprendre cette analyse.
LS: Avez-vous le sentiment que les fermes ont, pour la plupart, une bonne idée de leurs coûts en équipement pour chaque acre cultivé ? Ou s’agit-il d’un aspect que les agriculteurs devraient examiner en prenant le temps de faire des calculs ?
BG: Je pense que la plupart d’entre nous doivent effectivement prendre le temps de s’asseoir avec un crayon et de faire le point sur leur situation. C’est un aspect qui n’est pas facile. En général, nous n’avons pas l’impression d’avoir beaucoup trop d’équipement – mais il est probablement plus sage de vérifier. Et il faut vraiment se demander dans quelle mesure il est pertinent de réparer certaines pièces d’équipement ou encore d’investir – et il faut aller au fond des choses afin de savoir où on en est en matière d’équipement. La même remarque s’applique à la structure de la dette d’un agriculteur : il faut prendre le temps de s’asseoir et d’examiner la situation. Il est toujours agréable de rembourser ses dettes rapidement. C’est ce que je préfère moi-même. Mais si cette façon de faire exerce une trop grande pression sur vos flux de trésorerie, et que vous êtes en mesure d’étaler un peu vos paiements de remboursement, il peut être intéressant d’adopter cette dernière approche.
Il n’est pas facile non plus de résoudre la question de la location de terres, car il est évident que, dans certains cas, le coût de location est trop élevé pour le contexte actuel – et, en même temps, il est très difficile de renégocier les contrats de location. Quoi qu’il en soit, je crois qu’il faut en discuter franchement avec les propriétaires des terres que vous louez. Il est important de présenter votre situation et d’explorer toute possibilité de solution qui se présente sur ce plan.
LS: Merci pour ces précieux conseils. Vous touchez véritablement à des questions difficiles à résoudre. Mais vous donnez d’excellents points de départ pour les aborder. Comme on dit, faire le premier pas, c’est faire la moitié du chemin. Il faut savoir par où aborder les problèmes.
BG: Oui, car en fait, quand les choses sont très serrées, il faut absolument s’asseoir et prendre le temps d’examiner attentivement la situation. Si on prend, par exemple, la question des terres agricoles, on se rend compte que les prix n’ont pas diminué de façon significative. La valeur de l’équipement usagé a diminué substantiellement en divers endroits, mais le prix des terres est demeuré plutôt stable. En tant qu’agriculteur, vous pourriez vous rendre compte que vous avez un bout de terre qui cadre moins bien avec vos activités que ce que vous espériez au moment où vous l’avez acheté. Vous pourriez peut-être le vendre à un prix assez intéressant. Si vous vous trouvez dans une situation financière vraiment inconfortable, peut-être la décision difficile de vendre ce bout de terre permettra-t-elle à votre entreprise de demeurer en activité quelques décennies encore, plutôt que seulement quelques années. Ce ne sont pas des sujets de réflexion particulièrement agréables. Mais dans un contexte vraiment difficile, je crois qu’il faut absolument aborder ces questions, ne serait-ce que pour amorcer une réflexion.
LS: Effectivement. En somme, il faut faire le travail difficile maintenant afin d’assurer la survie de notre ferme pendant des générations. Bref, il faut faire les devoirs à court terme que nécessite notre planification à long terme.
BG: Exactement. L’idée, dans tout cela, est d’accroître la résilience de l’entreprise agricole – sur le plan financier –, de manière à lui permettre de résister à une tempête. Personne ne peut dire combien de temps la situation actuelle se prolongera. Et comme je l’ai dit, la récolte de cette année pourrait se heurter à des problèmes, et nous pourrions alors voir les prix rebondir. Mais il est aussi possible que nous ayons une autre grosse récolte, à la suite de laquelle nous nous trouverions l’année prochaine dans une situation aussi difficile, ou pire, que cette année. Voilà pourquoi c’est maintenant qu’il faut prendre notre crayon et envisager certaines des décisions difficiles que nous n’avons pas vraiment eu besoin de prendre durant la période où tout allait pour le mieux. Et au fond, tout se ramène à l’importance de réduire les coûts de production – ce qui n’est pas facile du tout dans une entreprise dont la structure de coûts fixes est très élevée. En général, sur une ferme, environ la moitié des coûts sont variables, et l’autre moitié sont fixes. Il est très difficile de réduire les coûts de production quand les coûts fixes sont élevés. Et l’on ne peut pas vraiment compenser cette difficulté en agissant sur les coûts variables. Voilà pourquoi il faut examiner les coûts fixes avec une telle attention.
LS: D’accord. Brent Gloy, merci beaucoup pour cet entretien, ainsi que pour vos précieux conseils. Nous espérons que ce sera le point de départ de nombreuses conversations – que ce soit autour de la table des agriculteurs ou dans la cabine de leur tracteur – et que cela contribuera à rendre les fermes plus résilientes. Merci encore du temps que vous nous avez accordé.
BG: Ça a été un plaisir. Merci à vous !
LS: Voilà qui conclut ce quatrième épisode de la série L’entreprise agricole – au cours duquel nous avons parlé de compression des marges et examiné les façons de rendre votre ferme plus résiliente. Au micro, Lindsey Smith pour RealAgriculture.com. Lors de notre prochain épisode de L’entreprise agricole, nous parlerons des groupes consultatifs composés de pairs : comment faire pour repérer un tel groupe ? Et de quoi s’agit-il ? Et quels avantages les agriculteurs membres d’un groupe de ce genre retirent-ils ? Comme toujours, je vous rappelle que vous pouvez nous lire sur Twitter (à RealAgriculture), et que toutes nos baladodiffusions sont disponibles sur iTunes.
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