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Pourquoi les ratios financiers sont-ils importants ? Comment peuvent-ils favoriser une meilleure gestion de la croissance et de la rentabilité d’une entreprise agricole ? Cet épisode de L’entreprise agricole présente une entrevue réalisée auprès de Larry Martin, directeur de Agri-Food Management Excellence, dont les réponses et les commentaires intéresseront au plus haut point les agriculteurs.
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La série L’entreprise agricole, qui vous est offerte sur le site RealAgriculture.com (site en anglais seulement), est une présentation de RBC Banque Royale.
SH: Bienvenue à ce nouvel épisode de la série de baladodiffusions L’entreprise agricole. Mon nom est Shaun Haney, de RealAgriculture.com. Au cours de ce dixième épisode de l’émission, nous allons parler de l’utilisation de certains ratios financiers. Je sais… les ratios financiers sont considérés comme des outils pour les comptables. Cependant, dans une entreprise agricole, ils peuvent s’avérer extrêmement utiles pour orienter le travail de gestion. Grâce à ces outils, les agriculteurs peuvent déterminer les changements à apporter pour assurer le succès de leur entreprise, et cela non seulement à long terme, mais aussi à court terme.
Pour ce dixième épisode, nous recevons Larry Martin. Larry est un spécialiste de l’utilisation des ratios financiers dans l’industrie agroalimentaire et le secteur agricole primaire. J’ai préparé une liste de questions à son intention : pourquoi un agriculteur devrait-il s’intéresser aux ratios financiers ? Certains ratios sont-ils plus importants que d’autres pour une entreprise agricole ? La longue discussion que Larry et moi avons eue à ce sujet ne manquera pas de vous passionner. Nous faisons-nous des idées fausses au sujet des ratios financiers ? Quelles sont les difficultés auxquelles se heurte leur application à la gestion d’une ferme ? Telles sont les questions abordées au cours de cet épisode des plus stimulants, le dixième de la série L’entreprise agricole. Avant de commencer, nous tenons à remercier encore une fois RBC, notre commanditaire pour cette série. Bonne émission à tous !
Aujourd’hui, dans le cadre de la série de baladodiffusions L’entreprise agricole de RealAgriculture.com, nous accueillons Larry Martin. Bonjour Larry, comment allez-vous ?
LM : Très bien. Je vous remercie.
SH : Merci de vous joindre à nous, Larry. Nous allons parler aujourd’hui de ratios financiers. Mais avant tout, j’aimerais que vous décriviez un peu votre parcours à l’intention de nos auditeurs.
LM : J’ai un doctorat en agroéconomie. J’ai été responsable de ce qui s’appelait à l’époque le département d’agroéconomie et de gestion de l’Université de Guelph. J’ai fondé le George Morris Centre, dont j’ai assuré la direction pendant un certain nombre d’années, puis j’ai quitté ces fonctions il y a déjà un certain temps. À l’heure actuelle, je suis l’un des directeurs de la société Agri-Food Management Excellence, qui offre des formations en gestion aux agriculteurs et à l’industrie agroalimentaire – c’est-à-dire à des fournisseurs d’intrants, à des entreprises d’alimentation et à d’autres acteurs de ce genre. Bon nombre de ces formations ont trait à la gestion financière.
SH : Vous êtes donc la personne tout indiquée pour nous parler de ratios financiers, et je suis enchanté que vous soyez des nôtres. Si vous le permettez, commençons par aborder le sujet d’aujourd’hui sous l’angle le plus large possible : pourquoi les ratios financiers sont-ils importants ?
LM : Je dirais que leur importance tient à deux facteurs, ou même à trois. D’abord, dans une entreprise, ces ratios permettent, bien sûr, de savoir où l’on en est sur le plan financier – bref, de connaître l’état de santé financière de l’entreprise. En deuxième lieu, ils sont très utiles pour mettre en lumière d’éventuels problèmes. Et cela nous amène immédiatement au troisième facteur : lorsqu’un problème est décelé, les ratios financiers fournissent des points de référence sur lesquels on peut se guider pour rétablir les choses. En somme, ils permettent de faire le point sur la situation de l’entreprise, de déceler les problèmes éventuels, et, en cas de problème, de suivre le retour à la normale. Ils peuvent même orienter les efforts à cette fin.
SH : Quand vous discutez avec des agriculteurs, avez-vous l’impression qu’ils utilisent correctement l’information mise en lumière par les ratios financiers ? Observez-vous des lacunes dans leur utilisation de cette information ?
LM : En fait, ce qui me préoccupe davantage, c’est l’impossibilité apparente d’obtenir de deux comptables différents des états financiers élaborés de façon identique. Il est donc très difficile pour les agriculteurs de repérer, dans leurs états financiers, les chiffres devant entrer dans le calcul de ratios financiers. Sur certains plans, les choses sont plutôt simples et uniformes. Par exemple, en général, on peut établir le rendement de l’actif ou le rendement des capitaux propres, qui éclairent sur l’efficacité à très long terme. Et, pour ce qui est du très court terme, le ratio de liquidité générale peut faire ressortir un problème de liquidité ou des difficultés ayant trait, par exemple, à la production. Mais en général, la majorité des agriculteurs n’ont aucune idée des chiffres à utiliser – et la plupart du temps, d’après ce que j’ai observé, ils ne reçoivent pas des comptables les renseignements dont ils auraient besoin.
SH : Il est toujours difficile de prendre de bonnes décisions quand on n’a pas au départ les renseignements nécessaires à cette fin.
LM : Exactement. Et je ne suis pas en train de dire que le problème est un manque d’information du côté des agriculteurs. Il tient plutôt au fait que ceux-ci ne reçoivent pas les renseignements sur lesquels ils devraient s’appuyer, selon moi, pour déterminer où ils en sont.
SH : Souvent, en agronomie, on examine parallèlement les macronutriments et les oligo-éléments. Dans le cas des ratios financiers, existe-t-il des « macro-ratios » qu’il serait essentiel de maîtriser, dans un premier temps, pour pouvoir prendre des décisions éclairées – après quoi seulement on pourrait s’intéresser à certains instruments secondaires, mais vraiment nouveaux et plus « originaux » parce que s’inscrivant dans une nouvelle tendance ? Quels sont les ratios fondamentaux auxquels les agriculteurs devraient s’intéresser en priorité ?
LM : Il y a cinq ratios que j’utilise en premier parce que ce sont les plus efficaces pour me donner un tableau clair de la situation d’une entreprise agricole. Aucun ne s’applique exclusivement au secteur agricole ; toutefois, les points de référence de certains d’entre eux sont propres à ce secteur. Tous sont des ratios financiers bien connus. Je vais les décrire un à un.
Pour déceler les problèmes à court terme, le ratio de liquidité générale est très utile même s’il existe, bien sûr, d’autres façons de s’y prendre. On obtient ce ratio en divisant l’actif à court terme par le passif à court terme. Si le premier est plus grand que le second, c’est bon signe. Cela signifie que vous avez actuellement assez de liquidités nettes – liquidités, comptes clients, stocks, etc. Vous avez suffisamment de liquidités et de quasi-liquidités pour faire face à vos dettes à court terme. Si le ratio est de 0,6, cela veut dire que le montant de vos dettes à court terme est plus élevé que celui de vos actifs à court terme – et donc, vous êtes en difficulté. Si le ratio est de 2 ou plus, cela va plutôt bien pour vous ! C’est le ratio que j’examine en premier.
Pour ce qui concerne le très long terme, le rendement des capitaux propres fournit probablement une image aussi claire que n’importe quel autre instrument de mesure. Malheureusement, il faut énormément de temps pour réunir les renseignements qui permettent de déterminer le rendement des capitaux propres – car il s’agit véritablement d’un instrument à très long terme –, de sorte que ce ratio n’est pas d’une grande utilité pour ce qui est de faciliter les décisions de gestion. En revanche, il est très utile pour indiquer si une entreprise constitue un bon investissement. En agriculture, l’utilisation de cet instrument de mesure se heurte à certains problèmes – nous reviendrons sans doute sur cet aspect.
Les trois autres ratios sont interreliés et très utiles, selon moi, pour cerner et comprendre d’éventuels problèmes. Le premier d’entre eux est le ratio de la marge brute. Pour l’obtenir, on soustrait d’abord des ventes ou du chiffre d’affaires le coût des produits vendus. Sur une ferme céréalière ou une ferme de grande culture, cela veut dire soustraire le coût des engrais, des semences, des produits chimiques, etc. – bref, le coût du matériel acheté en vue de la production de quelque chose qui a de la valeur. Ayant déduit de mon chiffre d’affaires le coût des produits vendus, j’obtiens la marge brute, que je redivise ensuite par le chiffre d’affaires. Pour les fermes céréalières, ainsi que pour de nombreuses fermes d’élevage – mais certainement pas pour les parcs d’engraissement –, ce ratio devrait être d’environ 65 %, ou supérieur à ce chiffre – ce qui est vraiment excellent. S’il est nettement inférieur à 50 %, cela indique un problème : soit votre rendement est insuffisant, soit vous payez vos intrants trop cher, soit vous n’obtenez pas un prix assez élevé pour vos extrants. C’est un ratio très utile.
Pour ce qui concerne l’horticulture, même si je n’ai pas beaucoup de données, je sais par expérience que ce ratio doit être plus élevé – et s’établir autour de 80 %. Cela tient à la très grande valeur des produits horticoles, et donc aux coûts de main-d’œuvre plus élevés qui s’y rattachent. Ces coûts ne sont pas soustraits lors du calcul du ratio, alors qu’ils le sont lorsqu’ils concernent les ouvriers agricoles des fermes d’élevage et des fermes de grandes cultures.
Le deuxième de ces trois ratios est ce que nous appelons le taux de marge sur coût variable. Il s’agit du rapport entre la marge brute et les frais d’exploitation – qui comprennent les coûts de main-d’œuvre et les coûts d’exploitation de la machinerie et de l’équipement (ce qui inclut les coûts des carburants et des lubrifiants, ainsi que ceux des réparations et de l’entretien). On ne tient pas compte de la dépréciation, mais les coûts de location de terres entrent dans le calcul. Tels sont les principaux éléments qui entrent dans cette catégorie. Maintenant, je vais aborder les choses sous l’angle opposé – c’est-à-dire en inversant le rapport entre les éléments du taux de marge sur coût variable. Pour une ferme céréalière ou d’élevage, ces coûts seraient censés représenter environ 10 % à 15 %... ou 15 % à 20 % des ventes. Dans le cas d’une entreprise horticole, le pourcentage représenté par cet ensemble de coûts devrait être plus élevé.
Enfin, le dernier ratio dont j’aimerais parler est le ratio d’efficacité opérationnelle. Il s’agit du revenu d’exploitation – pour lequel le terme technique est BAIIA (bénéfice avant intérêts, impôts et amortissements), c’est-à-dire le résultat, déduction faite de tous les coûts de fonctionnement. On déduit donc le coût des produits vendus, les charges d’exploitation, la rémunération que l’on se verse en tant que gestionnaire ou que l’on verse à d’autres gestionnaires, les frais de bureau, les frais d’assurance et toute autre dépense de ce type. Dans la plupart des entreprises agricoles vraiment efficaces, ce ratio devrait se situer autour de 35 %, ou dépasser ce chiffre. En ce qui me concerne, c’est le premier ratio auquel je m’intéresse. S’il est de l’ordre de 15 % à 20 %, je sais que quelque chose ne va pas à une étape ou à une autre des activités de l’entreprise. Parfois, dans le même secteur, deux entreprises affichent respectivement des ratios d’efficacité opérationnelle de 60 % et de 20 %. Cela indique un problème qui concerne non pas le secteur d’activité, mais bien la gestion – celle-ci laissant à désirer dans l’entreprise qui affiche un ratio de 20 %.
Si vous me permettez, je vais ajouter un autre ratio à ma liste.
SH : Bien sûr, allez-y.
LM : J’aimerais mentionner un ratio qui permet, pour ainsi dire, d’établir un diagnostic en indiquant le degré d’efficacité des activités de l’entreprise. Nous aurons donc six ratios plutôt que cinq. Beaucoup de gens utilisent le ratio emprunts/capitaux propres pour déterminer si leur entreprise est trop endettée. Personnellement, je ne trouve pas ce ratio très utile, pour diverses raisons. Je lui préfère le ratio de la dette sur le BAIIA (terme dont j’ai parlé il y a un instant). Le ratio de la dette sur le BAIIA est le rapport entre la dette et le bénéfice avant intérêts, impôts et amortissements. Dans beaucoup d’entreprises, ce rapport ne devrait pas dépasser deux ou trois pour un, estiment les banques, ou 2,5 pour un. En d’autres termes, si vos dettes représentent plus de deux fois et demie vos revenus d’exploitation, elles sont probablement trop élevées, et il vous faudra beaucoup de temps pour les rembourser – une situation qui rend votre entreprise vulnérable. Dans le secteur agricole, le ratio moyen se situe autour de 5 au Canada et de 2,5 aux États-Unis. Pour diverses raisons, les banques acceptent qu’il soit plus élevé au Canada – et je n’ai aucune objection à cela. Cependant, il faut comprendre qu’un ratio de 16 indique que l’entreprise concernée aura besoin de 16 ans pour rembourser ses dettes. Cela veut dire que si je tiens compte uniquement du revenu d’exploitation d’une telle entreprise – donc de son revenu avant le paiement des intérêts et des impôts, avant le versement d’une rémunération à ses propriétaires et avant tout réinvestissement –, l’entreprise aura besoin de 16 ans pour rembourser ses dettes. Ce n’est pas très reluisant comme situation !
Les six ratios que je viens d’énumérer sont ceux que j’utilise en premier.
SH : Je suis content que vous ayez mentionné le ratio emprunts/capitaux propres, mais en indiquant immédiatement que vous préférez utiliser le ratio de la dette sur le BAIIA. Je crois comprendre cette préférence. Lorsqu’on utilise le ratio emprunts/capitaux propres, on se préoccupe de l’augmentation de la valeur des terres, alors qu’avec le ratio de la dette sur le BAIIA, on s’intéresse aux revenus générés par l’entreprise.
LM : Exactement. C’est la raison précise de ma préférence. Je dis souvent : « Si vous vous endettez pour acheter des terres, vous n’aurez que trois options pour rembourser vos dettes : générer un revenu au moyen des terres en question, faire appel à un oncle riche, ou vendre ! » Quand je vois une ferme dont le ratio de la dette sur le BAIIA est de 16 pour 1, et le ratio d’efficacité opérationnelle, de 16 %, ma première réaction est de penser : « Il va y avoir une vente ! » Une entreprise ne peut pas se maintenir dans ces conditions – les dettes sont disproportionnées par rapport au niveau de rendement des actifs.
SH : Beaucoup d’auditeurs auront reconnu des chiffres qui leur sont familiers dans votre description de six ratios. Et ils auront été rassurés si leur propre ratio de liquidité générale se situe à peu près au niveau que vous avez mentionné. Or, j’aimerais que nous revenions un instant à la question du ratio emprunts/capitaux propres. Comme bon nombre de nos auditeurs le savent, les institutions financières incluent souvent dans les contrats de prêt une clause restrictive relative à ce ratio. Comment expliquez-vous cette exigence – à laquelle s’ajoute, dans bien des cas, une exigence relative au ratio de liquidité générale devant être maintenu. Ces deux ratios sont ceux qui sont le plus fréquemment visés par de telles clauses. Pourquoi les institutions financières continuent-elles d’imposer des clauses restrictives relatives au ratio emprunts/capitaux propres ?
LM : Je n’en ai aucune idée, vraiment. Je ne sais pas. J’ai fait partie du conseil d’administration de Ridley Canada avant l’acquisition de cette société par Alltech, il y a quelques mois. C’était une société très intéressante, car elle n’avait presque pas de dettes. L’année dernière, nous avions refinancé l’ensemble de sa facilité de crédit, qui comportait une clause restrictive. Je ne me souviens pas précisément des détails de cette clause, mais elle concernait le ratio de la dette sur le BAIIA, et non pas le ratio emprunts/capitaux propres, car le prêteur ne s’intéressait pas à celui-ci. Selon moi, la popularité du ratio emprunts/capitaux propres est le reflet de ce qui préoccupe les prêteurs. Ceux-ci affirment prendre des décisions en se fondant uniquement sur les flux de trésorerie alors qu’en fait, selon moi, ils s’intéressent aux capitaux propres. Lorsqu’un prêteur vous impose une clause restrictive ayant trait au ratio emprunts/capitaux propres, il vous dit implicitement : « Je veux m’assurer qu’en cas de faillite, votre entreprise disposera d’actifs suffisants pour me rembourser. » Or, de mon côté, en tant que gestionnaire, ce que je veux savoir, c’est si l’entreprise génère des revenus suffisants pour rembourser ses dettes. Et à cet égard, le ratio de la dette sur le BAIIA m’apparaît beaucoup plus utile – comme outil de gestion de l’exploitation – que le ratio emprunts/capitaux propres. Ce dernier m’indique uniquement si les capitaux propres de l’entreprise seront suffisants pour rembourser le prêteur en cas de faillite.
SH : Dans des entrevues à la chaîne ROB-TV, on entend souvent des analystes de titres boursiers ou des dirigeants d’entreprise employer l’expression taux de rendement interne (TRI) – ou taux de rendement minimal, ou d’autres expressions compliquées qui veulent dire la même chose. Or ce n’est pas une expression qu’on entend beaucoup dans le secteur agricole. Comment expliquez-vous ce fait ?
LM : Comment répondre à cette question ? Je crois que cette expression va devenir plus fréquente. Selon moi, l’utilité du taux de rendement interne a trait à d’autres types d’aspects. On se sert de ce taux pour se demander : « Est-ce que tel investissement en vaut la peine compte tenu de ce qu’il peut rapporter par la suite ? » Imaginons, par exemple, que j’envisage d’acheter un tracteur ou une moissonneuse ou une autre machine de ce genre. En calculant le taux de rendement interne, je cherche à déterminer le rendement qui sera généré par cet élément d’actif durant un certain nombre d’années, compte tenu de son coût d’achat et de son coût d’exploitation. Pour le savoir, je détermine le rendement net que cet élément d’actif est appelé à générer au cours de la période en question, puis je ramène le chiffre obtenu à une valeur actuelle. Je dois donc tenir compte du coût de remplacement et d’autres facteurs de ce genre. En somme, je vois le taux de rendement interne comme un outil qui m’aide à juger de la pertinence d’un investissement auquel je songe. Le rendement de cet investissement sera-t-il suffisant ? Imaginons que je désire obtenir un taux de rendement interne de 11 %. Si mes calculs m’indiquent que le taux est de 15 %, c’est excellent, car cela dépasse mon objectif de 11 %. C’est l’une des utilités de cet outil : juger de la pertinence d’un investissement envisagé, et par la suite déterminer si l’évaluation initiale était juste, et donc si l’investissement est vraiment rentable. Cela facilite la gestion d’éléments d’actif, en quelque sorte. Il s’agit donc d’un outil très spécifique, alors que les autres ratios que j’ai mentionnés concernent davantage les activités de l’entreprise, ou l’entreprise elle-même. Est-ce que cela répond à votre question ?
SH : Tout à fait, je vous remercie. Bon nombre de nos auditeurs vont sans doute préparer des états financiers annuels, puis les communiquer à l’institution financière qui leur a consenti un prêt. Certains produisent même des états financiers trimestriels, et les entreprises d’envergure produisent chaque mois des états financiers internes qu’elles remettent au prêteur. À quelle fréquence devrait-on examiner ses chiffres quand on se sert des ratios dont vous avez recommandé l’utilisation ?
LM : Cela dépend un peu du type de ferme. Je suis membre du conseil d’administration d’une entreprise de production en serre. Il serait impensable pour moi de dispenser cette entreprise de l’obligation de préparer des états financiers mensuels – car ils sont essentiels pour nous indiquer où nous allons. Cela dit, c’est une entreprise qui vend ses produits de façon continue. De même, les producteurs de porcs ou de bovins de boucherie ont besoin eux aussi d’états financiers mensuels ; toutefois, ceux-ci ne sont pas d’une grande utilité dans l’industrie céréalière, où des états trimestriels m’apparaissent beaucoup plus pertinents. En général, les fermes céréalières ne génèrent pas constamment des flux de trésorerie : les sorties de fonds sont très saisonnières, et les rentrées de fonds n’ont lieu que durant des périodes plutôt limitées qui sont liées au plan de mise en marché. C’est donc une industrie où des états financiers trimestriels peuvent suffire. Cependant, une fréquence trimestrielle ne peut suffire, selon moi, dans la vaste majorité des entreprises. En fait, dans un domaine où les activités sont continues (comme la production en serre, la production de légumes toute l’année, l’horticulture ou l’élevage du porc ou du poulet), il y a une foule d’éléments que je tiens à mesurer toutes les semaines – du moins, dans le cas d’une entreprise dont je m’occupe.
SH : Larry, en ce qui concerne les ratios financiers, avons-nous fait le tour de la question, ou reste-t-il des points que vous aimeriez aborder au cours de cet épisode ?
LM : La seule chose qui me vient à l’esprit a trait au ratio de la marge brute. Imaginons que j’exploite une ferme céréalière et que celle-ci affiche un ratio de la marge brute de 55 % – ce qui est inférieur à la norme de 65 %. En tant que gestionnaire, je suis porté à me demander où est le problème. Et immédiatement ma question devient : comment faire pour aller au-delà du ratio et comprendre la nature du problème ? Et si, en examinant les choses d’un point de vue encore plus global, je constate que ma ferme affiche un ratio d’efficacité opérationnelle de 23 % – alors que la norme est de 35 % –, comment dois-je m’y prendre pour cerner les problèmes ? Voilà pourquoi j’aime utiliser conjointement le ratio de la marge brute, le taux de marge sur coût variable et le ratio d’efficacité opérationnelle. Je commence par calculer le ratio d’efficacité opérationnelle – ici, on a supposé qu’il est de 23 %. Je passe ensuite au ratio de la marge brute ; supposons qu’il est de 70 % – ce qui est très bien, et peut-être même pourrais-je obtenir mieux encore en apportant certains légers changements à mes activités. Toutefois, lorsque je passe ensuite à l’examen du taux de marge sur coût variable, je réalise que mes coûts de main-d’œuvre sont beaucoup plus élevés qu’ils ne le devraient. Je décide donc d’explorer plus en détail cet aspect afin de comprendre d’où vient le problème – lequel se traduit, au bout du compte, par un ratio d’efficacité opérationnelle inférieur à la norme. Dans mon travail auprès des agriculteurs, cette approche est très utile, car elle m’oriente vers l’aspect qui nécessite une analyse plus approfondie. Quand on se met à examiner les éléments de l’un de ces ratios… J’ai été associé à une entreprise dont le ratio de la marge brute était beaucoup trop bas. L’entreprise – un producteur en serre – était constamment aux prises avec des problèmes de rendement des cultures. Au moyen d’analyses, nous avons cerné les problèmes de rendement, après quoi les dirigeants ont effectué certaines dépenses en immobilisations afin d’améliorer l’éclairage des cultures – et le rendement a augmenté. J’ai aussi vu un cas où, même si tout allait bien du côté du rendement des cultures, le produit cultivé dans les serres n’était tout simplement pas assez rentable. Dans ce genre de situation, il faut envisager la possibilité de se réorienter vers un autre produit. Imaginez le scénario : une entreprise de culture en serre obtient de bons rendements quatre années de suite, et cela tout en maintenant à des niveaux raisonnables ses coûts de transplantation, d’engrais, etc. Malgré tout, son ratio de la marge brute demeure médiocre. Face à une telle situation, tout gestionnaire doit s’interroger sérieusement sur la pertinence du produit cultivé. Ce que je veux souligner par ces exemples, c’est que les six ratios dont j’ai parlé sont essentiellement des outils qui permettent de repérer les problèmes éventuels, et ensuite de déterminer à quel endroit il y a lieu d’effectuer une analyse plus approfondie. Il est inutile de centrer son attention sur le rendement des cultures quand celui-ci est déjà bon et que le problème tient plutôt, par exemple, à des coûts de main-d’œuvre trop élevés.
SH : Cela dit, à l’étape de l’analyse – celle où l’on examine les éléments sur lesquels on se fonde pour établir un ratio –, il faut un certain degré d’honnêteté et d’autodiscipline. Sinon, il est trop facile de se justifier en disant : « On ne peut pas se fier à ce chiffre, car il résulte de tel ou tel facteur – et tout va bien dès qu’on fait abstraction de ce chiffre ! »
LM : Oui, c’est vrai. Je donne le cours C-TEAM (programme canadien d’excellence totale en gestion agricole), et l’un de mes étudiants m’a dit avoir apprécié l’honnêteté sans compromis qui caractérise ce cours. En effet, il n’y a aucune place pour les excuses que trop de gens ont tendance à invoquer pour se justifier. Nous exigeons de chacun qu’il assume ses responsabilités envers lui-même. Ce n’est pas nécessairement à moi de le faire. Mais ou vous prenez vos responsabilités, ou quelqu’un doit vous les rappeler. Chez de nombreux agriculteurs, le sens des responsabilités est développé, c’est évident à mes yeux. Trouver des excuses pour se justifier, c’est trop facile. En somme, ou on est responsable, ou on ne l’est pas.
SH : Larry, je vous remercie d’avoir été des nôtres aujourd’hui. J’ai adoré cette discussion sur l’utilité des ratios financiers comme instruments de gestion dans une entreprise agricole. Merci de votre participation à l’émission.
LM : Merci à vous.
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