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Comment mesure-t-on la rentabilité d’une ferme ? Au cours de cet épisode de L’entreprise agricole, Dean Klippenstine, du cabinet MNP, parle des avantages d’adopter la comptabilité d’exercice pour une entreprise agricole qui utilisait jusque-là la comptabilité de trésorerie, ainsi que des incidences d’un tel changement sur les décisions d’affaires.
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La série L’entreprise agricole, qui vous est offerte sur le site RealAgriculture.com (site en anglais seulement), est une présentation de RBC Banque Royale.
LS : Bonjour, et bienvenue à ce nouvel épisode de la série L’entreprise agricole. Ici Lyndsey Smith, votre animatrice. Avant tout, je tiens à vous féliciter d’avoir eu le courage d’appuyer sur le bouton « Lecture » d’un épisode portant sur un sujet aussi passionnant que la comptabilité d’exercice ! Oui, je sais que certains pourraient penser qu’il existe des sujets plus stimulants quand on n’est pas comptable ! Et ils n’auraient peut-être pas tout à fait tort… Mais laissez-moi vous dire une chose : quand j’étudiais à l’université et qu’on nous a demandé, dans le cadre d’un projet, de diriger une ferme – sur papier, bien sûr –, l’une des principales tâches que nous devions mener à bien consistait à faire passer notre ferme fictive à la comptabilité d’exercice. Si vous saviez le nombre d’heures de sommeil que nous avons dû sacrifier pour effectuer les divers rapprochements à la fin de l’année ! Mais cette expérience m’a appris une chose très importante : même si la méthode de la comptabilité d’exercice peut paraître quelque peu fastidieuse, ou même un peu lourde, c’est un outil extrêmement utile pour se faire rapidement une idée précise des coûts de production sur une ferme. Bien sûr, l’utilité de cette méthode est loin de s’arrêter là – mais on ne saurait trop vanter son efficacité pour présenter un tableau clair des dépenses devant être associées à certains revenus. En somme, qu’un agriculteur mesure la productivité de sa ferme en boisseaux par acre ou en livres d’aliments par gain de poids chez un animal, cette méthode comptable lui permet véritablement de regrouper en un seul endroit tous les coûts se rapportant à une production donnée pour une année donnée – et ici, on parle non pas de l’année civile, mais d’un cycle de production. Et franchement, l’information ainsi fournie à l’agriculteur est plutôt essentielle, comme nous le verrons au cours de cet épisode de L’entreprise agricole.
Dean Klippenstine, du cabinet MNP, considère la comptabilité d’exercice comme un outil idéal pour mesurer la rentabilité d’une entreprise agricole. Cet outil révèle toute sa pertinence lorsque vient le temps de prendre des décisions clés pour la ferme, par exemple celle de tenter de relever la productivité d’un dernier cran afin d’obtenir deux boisseaux de canola de plus l’acre. M. Klippenstine aborde aussi une question quelque peu controversée, à savoir la rumeur selon laquelle les comptables feraient la promotion de la comptabilité d’exercice parce qu’ils seraient les premiers à en profiter, plus que les agriculteurs – une rumeur qui, bien entendu, n’a rien à voir avec la réalité.
J’ai donc le plaisir d’accueillir M. Dean Klippenstine, avec qui je vais discuter des avantages que présente, pour une entreprise agricole, le passage de la comptabilité de trésorerie à la comptabilité d’exercice, ainsi que des incidences d’un tel changement sur les décisions d’affaires de l’entreprise.
LS : Nous recevons aujourd’hui Dean Klippenstine, responsable du secteur Producteurs primaires au cabinet MNP, à Regina, en Saskatchewan. Dean, nous allons parler de la méthode de la comptabilité d’exercice, ainsi que de son utilité pour une ferme. Avant d’entrer dans le vif du sujet, comment définit-on la comptabilité d’exercice ? En quoi cette méthode est-elle différente de celle qu’utilisent actuellement de nombreux agriculteurs ?
DK : Traditionnellement, la communication de l’information fiscale des entreprises agricoles – considérée par la plupart de celles-ci comme la raison d’être des états financiers – se fait avec la méthode dite de la comptabilité de trésorerie. Selon celle-ci, un agriculteur ne paie pas d’impôt sur une vente de grain tant qu’il n’a pas touché le produit de cette vente. Et donc, s’il fait pousser du canola pour une valeur de 100 000 $ cette année, mais qu’il ne le vend pas, il n’indique aucun montant pour la vente de ce grain dans sa déclaration fiscale. Par contre, s’il utilise la comptabilité d’exercice, le grain en question est inclus dans les stocks que l’agriculteur indique dans ses états financiers. Pour illustrer le fonctionnement de la comptabilité d’exercice, j’utilise souvent l’exemple suivant. Imaginons que je rencontre un agriculteur à la toute fin de sa récolte, au moment où il descend de sa moissonneuse-batteuse, et que je lui demande si l’année a été bonne. S’il a récolté 50 boisseaux de canola l’acre, il ne me dira pas : « Dean, l’année a été très mauvaise, car je n’ai pas vendu mon canola. » Il dira simplement : « C’est une excellente année, car j’ai récolté 50 boisseaux de canola. » En effet, selon la comptabilité d’exercice, on tient compte du grain en question dans les états financiers, ce qui permet à l’agriculteur de se faire une meilleure idée de la rentabilité de sa ferme. C’est ma façon simple de définir cette méthode. Mais le processus est plus complexe, naturellement, car il arrive que du grain ne soit pas comptabilisé l’année de la récolte, et il faut tenir compte des intrants achetés, etc. La préparation des documents est une tâche d’une certaine ampleur, mais il s’agit essentiellement de préparer des états financiers reflétant fidèlement la façon dont un agriculteur voit son entreprise – c’est-à-dire en tenant compte de la rentabilité de chaque culture considérée individuellement.
LS : Parlez-nous des différences dans les décisions que prend un agriculteur selon qu’il utilise la comptabilité d’exercice ou la comptabilité de trésorerie.
DK : Prenons le cas des franchisés… Souvent, ceux qui sont efficaces en affaires – par exemple, les franchisés de McDonald’s ou les concessionnaires John Deere ou GM – profitent des occasions où ils se rencontrent pour discuter de leur rentabilité et faire des comparaisons sur ce plan. Ils ne se rencontrent pas pour le simple plaisir de la chose, mais bien pour approfondir leur compréhension de leur entreprise et de sa rentabilité. Surtout, cela leur permet ensuite d’apporter les correctifs et les changements qui s’imposent. Je vous donne un exemple : ce matin, je me suis rendu sur une ferme qui produit 40 boisseaux de canola l’acre, soit un revenu de 10 $ l’acre. Par comparaison, une ferme qui produit 42 boisseaux génère un revenu de 30 $ l’acre – soit une rentabilité trois fois supérieure. Un agriculteur qui constate ces faits et les comprend – en se fondant sur des états financiers préparés selon la comptabilité d’exercice – réagira en mettant tout en œuvre pour produire les deux, trois ou quatre boisseaux de plus l’acre qui feront toute la différence. Si vous rencontrez un agriculteur dans un café et qu’il vous dit avoir récolté deux boisseaux de plus que vous l’acre… Imaginons le scénario. Vous lui dites : « J’ai récolté 40 boisseaux de canola l’acre. » L’autre répond : « C’est presque la même chose de mon côté : 42 boisseaux l’acre. » Presque la même chose ?! Pas du tout ! L’écart entre 40 et 42 boisseaux l’acre est énorme – mais à moins d’avoir des états financiers appropriés, un agriculteur ne peut pas comprendre ce que ces chiffres signifient. En somme, ce qui est en jeu essentiellement, c’est la possibilité de favoriser les changements de comportements qui s’imposent. Et donc on ne parle pas d’adopter une méthode pour faire plaisir aux comptables. Je crois que cette distinction est essentielle.
LS : Si je comprends bien, la comptabilité d’exercice consiste à associer à une production tous les coûts qui s’y rapportent, que ces coûts aient déjà été engagés ou non. Peut-on dire que cette méthode permet d’obtenir une idée plus juste des coûts de production ?
DK : Oui. Et c’est la première étape. De nos jours, certains producteurs déterminent leurs coûts pour chacun des champs qu’ils exploitent. Cette pratique est loin d’être généralisée dans le secteur agricole – mais on constate que les agriculteurs calculent à tout le moins les coûts associés à chaque culture, ce qui leur permet de prendre de meilleures décisions concernant la gestion de leurs champs et leurs frais généraux. L’établissement d’états financiers selon la comptabilité d’exercice n’est qu’un premier pas, mais dans la bonne direction.
LS : Avant de poursuivre, j’aimerais revenir sur ce que vous disiez il y a un instant. Certains hésitent à adopter la comptabilité d’exercice parce qu’ils croient que le changement profiterait surtout aux comptables et aux préparateurs de déclarations fiscales, mais pas nécessairement aux agriculteurs. Vous dites que cette perception est erronée. Comment expliqueriez-vous la chose aux agriculteurs ? Comment leur expliqueriez-vous que ce changement présente des avantages pour leur entreprise – indépendamment de ce que veulent ou recommandent les comptables ?
DK : Prenons un exemple. Imaginons que vous et moi avons acheté ensemble une blanchisserie libre-service à Saskatoon, à un prix de 300 000 $. Même s’il ne s’agit pas d’un investissement énorme, vous voudriez sûrement, en tant que propriétaire de ce commerce, connaître la rentabilité de celui-ci. Vous voudriez voir des états financiers vous permettant de comprendre votre investissement, n’est-ce pas ?
LS : Oui.
DK : Ici, je signale que dans l’ouest du Canada, on trouve difficilement une ferme représentant un investissement de moins de 300 000 $. Revenons maintenant à notre exemple : vous n’êtes ni comptable ni heureuse de payer des honoraires de comptable, et si vous le pouviez, vous prépareriez vous-même vos états financiers selon la méthode de la comptabilité d’exercice. Et vous venez aussi de me dire que vous voulez comprendre votre investissement de 50 % dans une blanchisserie libre-service ; vous voulez comprendre la rentabilité de votre commerce et le rendement de votre investissement. Dans ce cas, logiquement, on peut conclure que si vous possédiez une entreprise agricole représentant un investissement de 1,5 million de dollars (ou de 3 millions, ou d’un montant plus élevé encore, mais certainement supérieur à 300 000 $), vous voudriez connaître sa rentabilité. Le processus de la comptabilité d’exercice n’est pas vraiment beaucoup plus complexe que la préparation de déclarations fiscales, car il prend simplement en compte les stocks et les charges payées d’avance. La plupart des gens qui utilisent la comptabilité de trésorerie font quand même appel à un comptable pour préparer leur déclaration de revenus ou leurs états financiers. Ce que je souhaiterais, c’est simplement que l’ensemble du secteur agricole puisse prendre en compte les stocks et les charges payées d’avance.
LS : D’accord. Revenons maintenant à la question du changement de méthode. De toute évidence, la comptabilité de trésorerie doit avoir ses avantages puisque tant de gens l’utilisent : il y a les rentrées et les sorties de fonds, les paiements à effectuer, les comptes fournisseurs et les comptes clients – bref, toutes sortes de caractéristiques utiles. Quelles seraient les premières étapes de la transition pour un agriculteur convaincu des avantages de passer à la comptabilité d’exercice ? S’agit-il d’une transition complexe ? Est-ce que le changement peut être facile ?
DK : Cela dépend un peu du système de tenue de livres. Le processus est simple, mais, dans 95 % des cas, il faut avoir recours aux services d’un comptable professionnel. En fait, vous pouvez tout simplement vous adresser à la personne qui prépare actuellement vos déclarations fiscales. Demandez-lui de vous indiquer le processus à utiliser et les coûts à engager pour obtenir des états financiers préparés selon la méthode de la comptabilité d’exercice. Donc, le premier aspect à considérer est le système de tenue de livres ; dans la plupart des cas, il suffit de raffiner le système déjà utilisé pour la préparation des déclarations de revenus de particulier ou de société. Et il faut s’assurer de suivre les achats qui, bien qu’effectués au cours d’un exercice financier, se rapportent à la récolte de l’exercice suivant. Il peut s’agir d’achats d’inoculant, de graines de canola, d’engrais ou de produits chimiques. L’autre aspect à considérer est tout simplement le suivi des stocks de grain à la fin de l’exercice, qui est en général le 31 décembre. Rappelez-vous que la plupart des agriculteurs disposent déjà d’une bonne partie de ces renseignements, car ils en ont besoin pour soumettre une demande au programme Agri-stabilité. Il est donc très simple pour un agriculteur de passer à la méthode de la comptabilité d’exercice – et ainsi de se mettre à utiliser lui aussi les renseignements dont se sert l’administration du programme Agri-stabilité.
LS : Effectivement, car il s’agit de chiffres ou d’éléments d’information qui existent déjà probablement quelque part même s’ils ne sont pas nécessairement regroupés en un seul endroit.
DK : Exactement. Ils ne sont pas non plus regroupés sous une forme utilisable. Souvent, les gens surestiment la compréhension qu’ils ont de leur situation financière parce qu’ils font tout eux-mêmes : chèques, dépôts, paiements. Ils oublient que l’information à leur disposition ne se présente pas sous une forme à la fois simple et facilitant la prise de décisions. Nous sommes inondés de renseignements fragmentaires qui ne nous aident pas à prendre des décisions d’affaires. Nous avons besoin de données accessibles sous une forme simple et utile.
LS : D’accord. Existe-t-il des options logicielles intéressantes pour les agriculteurs – par exemple une feuille de calcul relativement simple ? À quoi ressemble concrètement l’utilisation de la comptabilité d’exercice dans une entreprise agricole ?
DK : Excellente question. On peut se servir de n’importe lequel des divers systèmes offerts sur le marché pour gérer la fonction de comptabilité d’exercice ou pour préparer des états financiers selon cette méthode. Cela dit, dans 95 % des cas, je recommande aux agriculteurs qui adoptent la comptabilité d’exercice de continuer simplement à utiliser leur système existant. Leur comptable peut très bien leur expliquer comment adapter leur système à la comptabilité d’exercice. On trouve divers produits de qualité sur le marché, mais en général je ne conseille pas de passer à la fois à un nouveau produit et à une nouvelle méthode comptable – car cela crée une transition trop abrupte.
LS : D’accord. Et quels sont les principaux avantages que vous observez au quotidien chez vos clients qui ont adopté la comptabilité d’exercice – par exemple, chez les producteurs de grain, dont les stocks sont très variables ?
DK : La première amélioration a trait à la sélection des cultures. Un agriculteur qui utilise la comptabilité d’exercice peut, grâce à ses états financiers, analyser la rentabilité de chacune de ses cultures. C’est le principal avantage – la capacité d’obtenir une image claire de la rentabilité à cette échelle. Cela permet d’apporter des modifications à la sélection des cultures. Bien sûr, il faut être réaliste. Si j’habite à Melfort, en Saskatchewan, il est hors de question de faire pousser du maïs, même si en théorie c’est particulièrement rentable. Il faut tenir compte du fait que le maïs ne pousse pas bien dans cette région. Toutefois, si l’on demeure dans le domaine du possible, la comptabilité d’exercice simplifie le processus de sélection, car elle permet d’analyser la rentabilité de chacun des champs exploités. Le deuxième avantage est la possibilité de comprendre le seuil de rentabilité de la ferme. C’est un aspect important, et deux facteurs influent particulièrement sur les décisions d’affaires. D’une part, il y a les coûts liés aux investissements dans les nouvelles machines – et l’on sait que la compréhension du seuil de rentabilité incite à la prudence dans les achats de machinerie. D’autre part, il faut se demander à quel prix une ferme peut raisonnablement louer des terres, en tenant compte de sa performance financière passée. Ce sont là les aspects clés, selon moi – les aspects pour lesquels j’observe des changements sur les fermes ayant opté pour la comptabilité d’exercice. Nous nous souvenons tous de la récolte record que nous avons vendue à un prix record – et nous avons tendance à nous baser sur ces chiffres pour déterminer le prix de location que nous pouvons payer pour des terres. Mais si mes états financiers des dix dernières années m’indiquent que mon revenu par acre n’a jamais dépassé une certaine limite, je sais qu’il ne vaut pas la peine de louer un champ à un prix qui, selon une probabilité de 95 % ou 99 %, exclut toute possibilité de profit. Il est plus sage de passer l’année sur un terrain de golf ! Voilà le type de décisions très concrètes qui deviennent plus faciles à prendre grâce à la méthode de la comptabilité d’exercice.
LS : Excellent. Dean Klippenstine, du cabinet MNP, il me reste à vous remercier de nous avoir fait profiter de vos connaissances et de votre expérience. Comme vous le dites, les chiffres existent déjà, et il suffit donc de les regrouper et de les associer à la production à laquelle ils se rapportent. C’était très instructif. Merci de tout cœur d’avoir participé à notre émission.
DK : Merci.
LS : Voilà qui conclut ce huitième épisode de la série L’entreprise agricole. Je remercie nos auditeurs pour leur attention à cette discussion sur l’utilisation de la comptabilité d’exercice dans une entreprise agricole. J’espère que le sujet vous a captivé. Comme toujours, je vous invite à nous lire sur Twitter (@realagriculture), et je vous rappelle que les épisodes passés de l’émission L’entreprise agricole sont accessibles tant sur RealAgriculture.com que sur iTunes.
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