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Il peut suffire de quelques petits changements pour stimuler considérablement les revenus d’une entreprise agricole. Kristjan Hebert, de Hebert Grain Ventures, explique comment, en appliquant la règle du 5 %, vous pourriez transformer votre façon de gérer votre ferme.
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La série L’entreprise agricole, qui vous est offerte sur le site RealAgriculture.com (site en anglais seulement), est une présentation de RBC Banque Royale.
Shaun : Ici Shaun Haney, votre animateur pour ce nouvel épisode de la série de baladodiffusions L’entreprise agricole, présentée sur le site RealAgriculture.com. Cette série vous est offerte par RBC, que nous tenons à remercier tout particulièrement. Au cours de cet épisode, nous allons entrer dans le détail de la gestion financière d’une ferme. Nous recevons en entrevue Kristjan Hebert. Kristjan parcourt le Canada en prononçant des conférences sur la règle du 5 % à l’intention des producteurs agricoles. Comme il l’explique, l’application de cette règle consiste à mettre en place de petits changements menant peu à peu à une augmentation substantielle des profits. Qui ne souhaite pas augmenter ses profits ? Toutefois, pour que ce souhait devienne réalité, il faut accepter d’évaluer ses activités sous un angle différent. Je vous donne un exemple : Kristjan va recommander aux agriculteurs d’examiner leurs coûts par boisseau récolté plutôt que par acre cultivé. Et il va nous expliquer pourquoi il est si important de procéder de la sorte. Je crois que vous allez adorer cet épisode de la série L’entreprise agricole, qui vous est présentée par RBC. En guise d’introduction, j’ai demandé à Kristjan de décrire brièvement son propre parcours professionnel. Bonne émission !
Kristjan : Nous exploitons une ferme de grande culture dans le sud-est de la Saskatchewan – à Moosomin, ou plus précisément à Fairlight. J’ai une formation en gestion et en comptabilité. Je possède un diplôme universitaire en commerce, ainsi que le titre de comptable agréé. J’ai travaillé un certain temps au cabinet Meyers Norris Penny. J’y ai appris une foule de choses au contact de personnes extrêmement compétentes. Je suis ensuite revenu sur la ferme afin d’y travailler à plein temps avec ma femme et mes parents.
Shaun : Aujourd’hui, nous allons parler de revenus, de l’établissement des coûts, ainsi que de la règle du 5 %. Nous allons aussi expliquer certaines mesures précises afin d’aider nos auditeurs à prendre de meilleures décisions en matière de gestion financière d’une entreprise agricole. Cela vous convient comme programme ?
Kristjan : Tout à fait.
Shaun : Allons-y. Avant toute chose, je tiens à remercier RBC, qui commandite cette baladodiffusion. Merci à notre commanditaire. Définissons maintenant la règle du 5 %. De quoi s’agit-il ?
Kristjan : Essentiellement, la règle du 5 % est un concept selon lequel on peut accroître considérablement les profits nets au moyen de petits changements touchant la logistique ou la logique des activités. Donc, plutôt que de rechercher une « formule magique » ou une pièce d’équipement présentée comme révolutionnaire qui n’ajoutera, au bout du compte, que 50 $ à votre résultat net, il vaut mieux repérer six, sept ou huit endroits où de petits changements amélioreront de 5 % certaines activités et se traduiront finalement par une hausse de 117 % de la rentabilité de votre ferme.
Shaun : D’accord. Qu’est-ce que cela implique concrètement ? On voit souvent des agriculteurs qui cherchent à améliorer leur rentabilité en sabrant dans leurs coûts. Déterminés à « fermer le robinet », ils cessent de traiter leurs semences, achètent les produits chimiques les moins coûteux, trouvent un moyen d’économiser 5 $ par tonne d’engrais, et ainsi de suite. Ce n’est pas ce que vous recommandez, n’est-ce pas ?
Kristjan : Non. Ma première recommandation serait… Vous savez, nous parlons tous de coût par acre, et nous nous basons sur celui-ci pour déterminer notre seuil de rentabilité. Il est indéniable que ce coût est un chiffre important. Toutefois, il faut aussi tenir compte du coût par boisseau récolté, pour une raison très simple. Si vous réduisez vos coûts au mauvais endroit – par exemple en cessant de traiter vos semences et d’utiliser un fongicide –, vous réduirez votre coût par acre de 10 $ ou 15 $. Malheureusement, votre action aura aussi pour effet d’augmenter vos coûts par boisseau, car vous produirez moins de grain.
Shaun : C’est juste...
Kristjan : Voilà pourquoi le coût par boisseau est important – ou par tonne ou par livre, selon l’unité de mesure que vous utilisez. Par conséquent, je ne suis pas spécialement partisan de l’approche visant à réduire le coût des intrants, car il y a une corrélation directe entre les intrants et la possibilité de dégager une marge. L’approche que je préconise relativement aux intrants consiste à sélectionner judicieusement le produit, le moment et le sol. Bref, c’est la méthode de l’agronome, qui consiste à trouver la formule convenant spécifiquement à une ferme donnée.
Shaun : Donc, nous devons employer des termes différents. Cela s’appliquera aussi, par exemple, lorsqu’il sera question de la densité de semis. Quand on parle d’une densité de deux boisseaux l’acre, eh bien…
Kristjan : Effectivement...
Shaun : ... ce n’est pas très précis d’un point de vue mathématique, car le nombre de semences que contient un boisseau dépend de la taille des semences. Bref, je trouve très pertinent cet exemple où vous mettez en parallèle le coût par acre et le coût au boisseau…
Kristjan : D’accord…
Shaun : ... Et il vous a suffi de 30 secondes pour l’expliquer. Mais alors, selon vous, comment se fait-il que les mentalités ou le langage évoluent si lentement lorsqu’il s’agit de notre façon d’évaluer nos coûts ?
Kristjan : Je dirais que, de façon générale, les gens n’aiment pas particulièrement le changement. C’est comme s’ils appliquaient à la lettre la formule bien connue : « Si ce n’est pas cassé, il ne faut pas le réparer. » Or, le problème, c’est que pour être à l’avant-garde, il faut plutôt se dire : « Si j’ai l’impression que ce n’est pas cassé, c’est parce que je n’ai pas bien regardé. » Au cours d’une discussion il y a quelques jours, Danny Klinefelter m’a dit : « Vous avez intérêt à vous démarquer, car les agriculteurs ukrainiens se sont levés huit heures plus tôt que vous, et ont donc huit heures d’avance dans la résolution des mêmes problèmes. » Vous comprenez ? Autre image que j’utilise fréquemment : si votre train roule à 60 miles à l’heure, peut-on dire qu’il est rapide ? Pas s’il y a sur la même voie un autre train qui arrive à 85 milles à l’heure.
Shaun : C’est vrai...
Kristjan : En somme, il faut reformuler les questions que l’on se pose, en se demandant par exemple : « D’où me vient l’habitude de semer à une densité de deux boisseaux par acre ? » Il se peut très bien que ce soit simplement une habitude héritée de notre grand-père.
Shaun : Oui…
Kristjan : Vous devez donc réévaluer vos habitudes en vous adressant à la bonne personne, en vous assurant de comprendre la notion de poids de mille grains, en visant 32 plants par mètre carré, et ainsi de suite. Bref, vous devez analyser le processus en le décomposant. Soyons honnêtes, l’éducation compte pour beaucoup dans la capacité de gérer les coûts. Assurez-vous de bien comprendre la notion de poids de mille grains. Renseignez-vous sur les options d’achat et de vente, les contrats à terme normalisés, etc., car cela vous aidera à établir votre plan de mise en marché. Et si votre intérêt pour l’acquisition de connaissances est limité, faites appel à un consultant – ou trouvez cinq autres agriculteurs avec lesquels vous pourriez partager le temps d’une personne qui se chargera de ces questions.
Shaun : La gestion des coûts d’une entreprise agricole peut être difficile. Il est plus facile de se concentrer sur les revenus – et donc, c’est ce que les gens ont tendance à faire. On se dit : « Si je veux augmenter mon revenu, il suffit de produire plus. » Ce n’est pas aussi simple. Nous voyons souvent des situations où, par exemple, un agriculteur déploie d’intenses efforts pour économiser 2 $ par tonne d’engrais, mais parallèlement achète un tonneau de « produit miracle » importé de Chine qui augmente ses dépenses de 50 $ l’acre.
Kristjan : Oui...
Shaun : Comment expliquer ces comportements ? Pourquoi avons-nous autant de difficulté à aborder correctement la question des revenus ?
Kristjan : Il est clair que l’approche relative aux intrants dans notre plan de gestion a une forte incidence sur nos revenus. Malheureusement, nous ne sommes pas particulièrement efficaces pour ce qui est de nous doter d’un plan agronomique solide. Vous savez, il ne suffit pas d’ajouter continuellement de l’azote aux cultures pour augmenter notre revenu. Il faut sélectionner précisément la formule qui convient à nos cultures. À cet égard, il ne manque pas de consultants en agronomie capables de vous aider. Et leurs conseils vous permettront d’approfondir vos connaissances… Sur notre ferme, tous les quatre acres, nous procédons à un échantillonnage de sol par quadrillage, après quoi nous prélevons aux mêmes endroits des échantillons de tissu végétal qui nous renseignent sur l’efficacité de la formule d’engrais utilisée au printemps. Cet exercice nous indique aussi s’il y a lieu de fournir un apport additionnel aux plantes, auquel cas nous l’intégrons aux produits pulvérisés. En somme, nous appliquons un principe similaire à celui sur lequel repose l’utilisation de Chemtrition. Comme il est déjà prévu de pulvériser notre champ afin d’éliminer les mauvaises herbes, pourquoi ne pas en profiter pour ajouter au mélange tout apport encore utile aux cultures ? Donc, certains trucs permettent d’améliorer les résultats... Personnellement, j’adore discuter avec des gens qui sortent des sentiers battus ou qui remettent en question les façons de faire habituelles en agriculture. Selon moi, il n’est pas étonnant qu’on leur doive un si grand nombre de bonnes idées.
Shaun : C’est juste…
Kristjan : Je passe donc beaucoup de temps à discuter avec des agriculteurs dynamiques des États-Unis, d’Ukraine, d’Australie ou de différentes régions du Canada. C’est extrêmement agréable, et ces échanges d’information sont une source de nouvelles idées. Je voudrais aussi mentionner qu’en agriculture, nous avons facilement tendance à nous présenter comme soumis aux caprices de Mère nature. Un peu comme si tous nos efforts – établissement d’un budget, etc. – pesaient moins lourd que les « décisions » de la nature…
Shaun : Comme si nous étions des victimes…
Kristjan : Oui, exactement. Mais imaginez que vous êtes propriétaire de dix complexes touristiques au Mexique. Pensez-vous que Mère nature peut vous causer des soucis ?
Shaun : Cela ne fait aucun doute…
Kristjan : Ou songez un instant au propriétaire du supermarché Subway de Lethbridge, en Alberta. Pensez-vous qu’il a pu avoir de la difficulté à gérer ses ressources humaines lorsque la région était en plein boom pétrolier ?
Shaun : Tout un défi, sûrement...
Kristjan : En tant qu’agriculteurs, nous ne sommes pas plus des victimes que les gens des autres secteurs. Notre principal problème est le caractère ponctuel de la mise en marché de nos produits – nous ne produisons qu’une seule récolte par année. Une entreprise comme Wal-Mart offre ses produits 365 jours par année. Nous dégageons une marge supérieure à celle de Wal-Mart, mais nous ne le faisons qu’une seule fois. Wal-Mart ne dégage qu’une marge très mince, mais 365 jours par année. Et Wal-Mart a aussi chaque année 365 occasions d’apprendre.
Shaun : Effectivement… une erreur de notre part peut avoir une incidence considérable sur les trois années qui suivent. Par comparaison, un grand magasin qui connaît des ventes médiocres une journée peut se reprendre très vite…
Kristjan : Oui.
Shaun : C’est la principale différence. Votre analogie est très pertinente.
Kristjan : Les agriculteurs devraient donc constamment se préoccuper de s’améliorer – car l’occasion de le faire ne se présentera sans doute que de 35 à 50 fois au cours de leur vie professionnelle.
Shaun : C’est juste.
Kristjan : Et la génération suivante se trouve dans la même situation, et ainsi de suite. De sorte qu’au cours de son existence, une ferme multigénérationnelle a seulement une centaine d’occasions de s’améliorer. Si elle en laisse échapper dix, elle peut prendre un sérieux retard. N’oublions pas que nous avons des concurrents ailleurs dans le monde, dont certains produisent deux ou trois récoltes par année.
Shaun : Effectivement, notamment au Brésil.
Kristjan : Ils apprennent plus rapidement que nous.
Shaun : Oui.
Kristjan : Donc, le désir de s’améliorer constamment doit faire partie de la culture de votre entreprise agricole. L’ensemble de votre équipe doit se donner comme objectif de repérer les concurrents qui font mieux que vous à ce chapitre, de découvrir comment ils s’y prennent, et ensuite de combler l’écart.
Shaun : En matière de gestion financière, nous avons parlé des coûts, ainsi que des revenus, et en général les stratégies des entreprises agricoles ne touchent qu’un seul de ces aspects. Bref, les approches des entreprises sont insuffisamment intégrées. Comment faire pour corriger ce problème ? Quelles sont les mesures concrètes permettant à une ferme d’intégrer une stratégie cohérente à ses activités quotidiennes, et ainsi d’assurer son succès à long terme ?
Kristjan : L’une des mesures les plus importantes à prendre, selon moi, est l’établissement d’un budget. Mais avant cela, il faut d’abord adopter la méthode de la comptabilité d’exercice. Cela signifie non seulement que votre comptable doit utiliser cette méthode pour préparer les états financiers, mais aussi que le système comptable interne de la ferme doit être basé sur cette méthode – car si vous n’utilisez pas la comptabilité d’exercice, vous ne pouvez pas connaître vos coûts. Donc, première étape, adopter la comptabilité d’exercice. Deuxième étape, imiter les autres entreprises en établissant un budget annuel en janvier, et en le consultant ensuite au moins tous les trimestres. Autrement dit, ce budget permet de faire le point régulièrement par rapport aux prévisions. Un budget n’est pas une solution miracle, mais en faisant ressortir les écarts, il nous permet de réfléchir à ce qui n’a pas fonctionné.
Shaun : Pourquoi faut-il le consulter tous les trimestres ? Je sais que beaucoup d’agriculteurs vont se dire : « Cela n’a pas d’importance. Il suffit que je le consulte après ma récolte, puisque ce n’est qu’à ce moment-là que je saurai à quoi m’en tenir. »
Kristjan : Il faut se rappeler qu’un objectif qui n’est pas mis par écrit n’a pas plus de poids qu’un souhait. Donc, souhaiter réduire ses coûts et se fixer un objectif pour les réduire, ce sont deux choses très différentes.
Shaun : Oui.
Kristjan : Vous savez, sur notre ferme, nous examinons de très près nos coûts relatifs au trio « main-d’œuvre, énergie, machinerie » – parce qu’il s’agit là des coûts les plus importants sur lesquels, en tant qu’agriculteurs, nous pouvons agir. Nous avons beaucoup moins de pouvoir sur nos revenus, car le rôle de Mère nature est important. Par contre, les coûts de la main-d’œuvre, de l’énergie et de la machinerie sont nettement à l’intérieur de la sphère d’influence de l’agriculteur. Ainsi, selon que vous louez des machines agricoles, que vous en êtes propriétaire ou qu’elles appartiennent à un entrepreneur engagé à forfait, vos coûts en équipement varieront. Quant à vos coûts de main-d’œuvre, ils varieront en fonction du type de rémunération versé. De même, vos coûts en carburant et vos coûts de réparations et d’entretien – qui sont tous des coûts clés – dépendront des décisions que vous prendrez. En somme, tous les coûts qui sont liés à l’exécution du travail sont soumis à votre action. Sur notre ferme, nous venons tout juste de commencer à analyser nos coûts de réparations et d’entretien pour chaque appareil agricole, ainsi que par comparaison avec l’année précédente. Et nous examinerons chaque mois le budget qui s’y rapporte. Nous espérons pouvoir ainsi réduire de nombreux coûts de réparations et d’entretien. Je vous donne un exemple. Si l’on constate qu’une pièce est inutile, pourquoi ne pas la retourner immédiatement plutôt que de la mettre sur une tablette... ?
Shaun : Effectivement...
Kristjan : Nous cherchons aussi à améliorer notre programme d’entretien. Nous tentons même de déterminer l’heure idéale pour échanger certaines pièces d’équipement – plutôt que de simplement noter qu’il y a une offre intéressante chez un concessionnaire en ce moment. Donc, il s’agit de petites choses, mais si nous parvenons à réduire de trois ou quatre dollars l’acre nos coûts de réparations et d’entretien, nous économiserons 50 000 $. Les choses deviennent vite très intéressantes lorsque des changements représentant 50 000 $ se mettent à s’additionner…
Shaun : Oui, et c’est vrai pour de nombreuses fermes, petites et grandes.
Kristjan : Oui.
Shaun : Certains de nos auditeurs se disent sûrement : « Mais je n’ai pas le temps de faire cela ! » Que dites-vous à ces gens ?
Kristjan : Le temps, il faut le prendre. Faites-en un objectif – l’une des priorités absolues de votre ferme. Avez-vous le temps d’aller vous asseoir au café pour discuter de ce qui s’est passé hier à l’élévateur ? Le temps, vous l’avez. Avez-vous le temps de passer le balai dans votre atelier ? Sur notre ferme, cette question à propos du balai est devenue une blague...
Shaun : Je vous écoute...
Kristjan : Pour nous conseiller sur notre ferme, nous avons formé un conseil consultatif. La première fois que mon père et moi avons rencontré nos conseillers, l’un d’eux nous a immédiatement demandé : « Combien de fois avez-vous balayé votre atelier cette année ? » J’ai répondu : « Une vingtaine de fois, ou peut-être seulement 15. » Il nous a regardés bien en face et a dit : « Cela vous amuse de voler leur emploi aux étudiants du secondaire ? Vous pourriez sans doute trouver un jeune qui préférerait passer le balai ici une fois par semaine, à 12 $ l’heure, plutôt que de travailler au Subway. Cela vous permettrait d’utiliser votre temps de façon beaucoup plus utile en vous concentrant sur votre budget et sur la résolution des problèmes financiers. » Voilà ce que je veux dire lorsque je parle de la nécessité de « prendre le temps » pour les choses qui comptent.
Shaun : Très juste...
Kristjan : Il faut simplement en faire une priorité.
Shaun : Ce que vous dites illustre bien le dicton selon lequel il vaut mieux travailler sur son entreprise que dans son entreprise, et cela jour après jour.
Kristjan : Oui. Et pour des producteurs comme nous, ce n’est pas facile, car la plupart de nos forces ont trait à la production d’une récolte. Nous aimons nous concentrer sur cet aspect – c’est ce qui nous passionne. Donc, passer du rôle d’opérateur à celui de gestionnaire et de leader, c’est difficile – d’autant plus que les agriculteurs sont souvent des gens qui aiment le côté concret et technique des choses, et qui ne craignent pas de se salir les mains. Changer de rôle, ce n’est pas facile pour eux.
Shaun : C’est vrai...
Kristjan : Et je ne voudrais enlever à personne le plaisir que procure le travail de la ferme. Toutefois, si vous voulez transmettre une entreprise agricole dynamique à la génération suivante, vous n’avez pas le choix. Lorsque le taux d’inflation annuel est de 3 %, toute entreprise qui affiche un taux de croissance inférieur à 3 % est en train de dépérir.
Shaun : Oui...
Kristjan : Et je ne suis pas en train de dire que vous devriez alors accroître la superficie de vos terres de 3 %. Peut-être parviendrez-vous à augmenter votre revenu de 3 %, ou votre valeur nette personnelle. Mais si votre taux de croissance est inférieur à celui de l’inflation, vous perdez du terrain.
Shaun : Est-ce que votre ferme a toujours fonctionné de cette façon ? Ces préoccupations ont-elles toujours fait partie de la culture de la ferme où vous avez grandi ? Ou a-t-il fallu des efforts pour les intégrer au mode de fonctionnement ?
Kristjan : Oh, cela exige des efforts qu’il faut sans cesse renouveler. Bien sûr, après mes études en comptabilité, nous nous sommes mis à accorder beaucoup plus d’attention au budget et aux coûts. Mais, déjà auparavant, mes parents s’étaient toujours efforcés de maintenir un équilibre entre la recherche d’une situation parfaite et les exigences de la logistique – et ils avaient toujours mis leurs objectifs par écrit. Donc, cette culture existait déjà dans l’entreprise, mais nous sommes quand même constamment à l’affût d’améliorations possibles.
Shaun : Mettre les objectifs par écrit, est-ce la toute première chose à faire ? Est-ce que tout ce dont nous parlons aujourd’hui exige, comme première étape, un geste aussi simple que sortir un crayon ?
Kristjan : Oui. Écrivez vos objectifs. Mieux encore, notez-les pour chacun des quatre prochains trimestres. Même si vous ne changerez pas le monde en un an, vous pourriez, au premier trimestre, analyser vos coûts de réparations et d’entretien. Au deuxième trimestre, essayez de terminer l’élaboration de votre budget au plus tard en juin – c’est tard, mais au moins ce sera un début. Au troisième trimestre, vous pourriez suivre un cours sur les options d’achat et de vente et les contrats à terme normalisés afin de favoriser votre stratégie de mise en marché. Enfin, au quatrième trimestre, rencontrez votre comptable et discutez de ce que vous pourriez faire pour améliorer ce processus l’année suivante.
Shaun : Vous faites ressortir une difficulté très similaire à celle dont nous avons parlé lors de notre émission sur la planification de la relève agricole, durant la première saison de L’entreprise agricole. Cette difficulté est liée au fait que nous ne produisons qu’une seule récolte par année. Nous réfléchissons à des mesures possibles, mais nous ne faisons rien avant d’avoir semé… ou avant d’avoir récolté... C’est comme si je vous disais : « Kristjan, vos recommandations sont formidables, mais je n’ai pas le temps d’y penser avant la récolte. Après la récolte, j’aurai du temps… » Bref, comme nous avons l’esprit occupé par notre unique récolte, cela devient une excuse pour ne rien entreprendre d’autre pour l’instant. N’ai-je pas raison ?
Kristjan : Tout à fait. Et c’est pourquoi je recommande aux agriculteurs de mettre par écrit non seulement leurs objectifs, mais aussi la liste de toutes les choses à faire au cours du trimestre. Lorsque ce sera fait, faites un cercle autour des éléments importants de votre liste, et un carré autour des éléments dont la seule utilité est de vous tenir occupé. Ici, ce que je veux souligner, c’est que, tous autant que nous sommes – moi le premier –, nous avons très facilement tendance à nous laisser entraîner dans ce qui nous tient occupés, au détriment des choses importantes. Je vais vous donner un exemple…
Shaun : Je suis un champion à ce chapitre...
Kristjan : S’il y a quatre camions à décharger dans la cour, et que nous avons déjà quatre employés qui attendent à côté de la vis à grain, mon premier réflexe sera quand même de me lever de ma chaise et de sortir donner un coup de main. Pourtant, ma présence est tout à fait inutile, et c’est le budget qui devrait retenir mon attention. Mais c’est un automatisme. On veut sauter dans l’action – parce qu’être assis à un bureau devant un budget, cela ne donne pas l’impression d’être occupé. Or, il ne faut pas se fier à cette impression, car ce genre de travail est l’une des tâches les plus importantes qui soient.
Shaun : Oui...
Kristjan : Voilà pourquoi je recommande de dresser – chaque trimestre – la liste des choses à faire, puis d’y encercler les priorités.
Shaun : Kristjan, je veux vous remercier pour cette conversation très enrichissante. J’espère avoir de nouveau l’occasion de discuter avec vous.
Kristjan : Moi de même. Merci de m’avoir invité à l’émission.
Shaun : Cet épisode de L’entreprise agricole a été une véritable mine d’information ! Mais on pourrait le résumer en disant qu’un souhait n’est pas un plan. Un plan, c’est écrit. Un souhait ou un espoir, ce n’est rien d’autre que de l’espoir… Autre point important à retenir, et que je me répète pratiquement tous les jours : parfois, il faut travailler sur son entreprise, ce qui ne veut pas nécessairement dire la même chose que travailler dans son entreprise. Kristjan a donné des exemples qui illustrent très bien l’extrême importance de ce point. J’espère que cet épisode de L’entreprise agricole vous a plu et que vous serez au rendez-vous pour notre prochain épisode.
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