Les producteurs de l’Ontario s’organisent pour profiter des nouveaux produits
L’agriculture est à la croisée des chemins, mais elle prend son
avenir en main, estime Gwen Paddock de RBC Banque Royale.
Il y a quelques années à peine, qui aurait
cru que l’agriculture pouvait avoir encore
de belles années devant elle ? La maladie de
la vache folle décimait les troupeaux, les
prix des cultures industrielles s’effondraient
et la vigueur du dollar canadien augmentait
les coûts de bien des produits.
La situation a bien changé aujourd’hui.
Les prix de certains produits ont fortement
augmenté et on entend à peine parler
de l’ESB. Certes, de gros nuages planent
encore sur certains secteurs, surtout sur
le tabac, mais l’horizon s’éclaircit, comme
en témoignait l’optimisme qui régnait au
printemps dernier dans de nombreuses
réunions agricoles.
« L’humeur est généralement optimiste
dans les réunions, dit Gwen Paddock, viceprésidente,
Agriculture, agroalimentaire et
marchés commerciaux, RBC Banque Royale,
installée à Guelph (Ontario). Les céréaliers
sont particulièrement contents, et ils ont
toutes les raisons de l’être quand on voit
comment les prix ont augmenté depuis
l’an dernier. »
De nouvelles responsabilités pour mieux
servir le secteur agricole
Mme Paddock a endossé de nouvelles
responsabilités au printemps dernier.
Elle sert maintenant d’intermédiaire entre
le bureau national du groupe Agriculture
et agroalimentaire et l’équipe des directeurs
de comptes de RBC spécialisés en
agriculture, qui couvrent tout l’Ontario.
Pourquoi cette spécialisation ? Les fermes
sont de plus en plus grandes et utilisent une
technologie de plus en plus poussée, si bien
qu’il est très difficile pour les non-spécialistes
de comprendre la vision qui anime les
demandes de crédit des exploitants.
« Nous avons été la première banque à
former des spécialistes pour servir le secteur
agricole canadien, explique Mme Paddock,
et nos clients jugent qu’il est vital de traiter
avec des gens qui connaissent l’agriculture
et lui sont dévoués. Alors que d’autres
paraissent se désintéresser de ce secteur,
nous nous engageons toujours plus à fond
et étendons nos services. »
Mme Paddock représente également
RBC auprès de diverses associations de
producteurs et de la Ontario Agribusiness
Association ainsi que dans des réunions
professionnelles et activités sociales.
Un optimisme prudent pour l’éthanol
Bien des gens croient que l’éthanol
révolutionnera l’agriculture canadienne.
Mais Mme Paddock estime qu’il faut peser
les effets à court et à long terme sur les
marchés des céréales et du bétail, car si le
biocarburant aura un effet positif sur les
prix, il risque aussi de créer de gros
problèmes pour les producteurs de bétail
confrontés à de fortes hausses des prix et
à des pénuries d’aliments.
« Nous sommes à la croisée des chemins,
dit-elle, avec l’éthanol. Nous commencions
à croire qu’il est impossible de gagner de
l’argent avec les cultures industrielles,
mais, dans l’immédiat, la culture du maïs
comme matière première pourrait être
extrêmement rentable. »
Elle recommande fortement la prudence
à tous ceux qui songeraient à acheter des
terres tous azimuts pour profiter du boom
de l’éthanol. Car si aujourd’hui l’éthanol
est presque exclusivement tiré du maïs, la
production à partir de la cellulose pourrait
bientôt devenir encore plus importante.
Si les producteurs d’éthanol se tournent
massivement vers la panic raide (une
graminée vivace), la demande de maïs
pourrait baisser.
De la production alimentaire à la production de matériaux
L’éthanol est en train de transformer les
grandes régions agricoles, qui passent
d’un mode de culture traditionnel axé sur
les produits alimentaires à la production
d’énergie. La production d’éthanol sera
peut-être très rentable pour l’agriculture
et le monde rural canadiens à long terme,
mais Mme Paddock s’intéresse beaucoup
plus à d’autres champs d’utilisation. Elle
croit que la biotechnologie et les bioproduits
ont un brillant avenir et pourraient avoir
des effets encore plus bénéfiques sur le
secteur agricole.
« Des choses extraordinaires se préparent »,
dit-elle en citant l’initiative BioAuto, un
projet pour fabriquer des pièces automobiles
et d’autres matériaux à partir de
produits agricoles.
« L’agriculture produit traditionnellement
des produits de base, mais les nouveaux
produits agricoles apporteront une forte
valeur ajoutée. »
On cherche des jeunes
Malgré les prix plus élevés de certains
produits agricoles, Mme Paddock voit
quelques signaux d’alarme sur l’écran
radar du secteur agricole de l’Ontario.
Les capacités de transformation du porc,
pour commencer, l’impact qu’auront les
négociations de l’Organisation mondiale
du commerce sur les produits assujettis à
la gestion des approvisionnements et les
prix des céréales fourragères qui
étranglent les éleveurs de bétail.
Mais ce qui la tourmente la nuit, c’est le
problème de la relève : le secteur agricole
attire peu de jeunes. Les diplômés
fraîchement émoulus de l’Université de
Guelph qu’elle prend comme stagiaires à
RBC sont l’exception qui confirme la règle :
la population agricole vieillit.
Pour remédier à ce problème, elle croit
qu’il faut, entre autres, valoriser l’agriculture,
la présenter comme un secteur à la pointe
de la science et de la gestion, qui favorise
l’épanouissement personnel.
« J’aimerais que nos jeunes voient ce que
je vois tous les jours, dit-elle. Des secteurs
qui n’existaient pas il y a 10 ou 20 ans offrent
aujourd’hui beaucoup de potentiel et de
débouchés. Je suis convaincue que nous
pouvons continuer d’évoluer et que ceux
qui choisissent l’agriculture et l’agroalimentaire
ont un bel avenir devant eux. »
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