Le huard a-t-il fini de monter ?
Peut-être. Mais ce conseiller met ses clients en garde contre
les hypothèses dans le contexte volatil actuel. Il veut qu’ils restent protégés.
Difficile, le contexte actuel, pour les éleveurs de porcs canadiens ? Pour avoir rencontré récemment un des plus grands producteurs
ontariens, Kevin Simpson sait à quel point les temps sont durs.
« C’est un producteur bien avisé, dit M. Simpson, conseiller en placements de RBC Dominion valeurs mobilières à Waterloo, en Ontario.
Pendant la débâcle du marché du porc de 1998, il a utilisé fortement et avec succès les contrats à terme pour compenser ses pertes sur le
marché au comptant, à un moment où la plupart des producteurs redoutaient de faire quoi que ce soit pour améliorer leur sort. »
Le client de M. Simpson lui a confié que 1998 avait lourdement pénalisé les éleveurs, mais que 2007 était pire. Les causes ? La chute des
prix du porc. Les coûts de nourriture élevés. Mais surtout, l’appréciation rapide du dollar canadien par rapport au dollar américain. Au
début de 2007, il fallait 1,16 $CAN pour un dollar américain. En septembre, les deux devises étaient à parité. Début novembre,
un dollar américain ne valait plus que 94 cents canadiens. Depuis ce temps, les deux devises ont fluctué, mais le dollar canadien reste fort.
« Pour les éleveurs de porcs, l’appréciation du dollar canadien a empiré un marché déjà difficile », dit Kevin Simpson, qui illustre
cette affirmation par l’exemple qui suit.
En octobre 2006, le porc maigre se vendait 64,95 $US le quintal et 124,42 $ le quintal métrique, indice 100 en Ontario. À la
mi-octobre 2007, le prix était tombé à 54,45 $US et les mêmes porcs ontariens se vendaient 92,41 $. En dollars américains,
le prix du porc a chuté de 16 % en 12 mois, ce qui est déjà énorme. En dollars canadiens, la baisse a été de 26 %.
Les prix des cultures ont monté en flèche en 2007, le blé atteignant même des sommets de toujours. La vigueur du huard a cependant
miné le gain pour les producteurs de cultures commerciales. Au début d’octobre 2006, les fèves de soja se vendaient 5,07 $US
le boisseau et 5,40 $CAN environ. À pareille date en octobre 2007, les fèves de soja du mois le plus récent avaient bondi à 8,77 $US,
mais cela ne représentait que 8,50 $CAN à cause de l’inversion du rapport de change. Le prix des fèves de soja a grimpé de 73 %
en dollars américains cette année-là, mais de 57 % seulement en dollars canadiens.
RBC voit le huard en deçà de la parité en 2008
Selon une prévision publiée début novembre, l’équipe des Services économiques de RBC croit que le dollar canadien perdra
de la valeur sur le dollar américain en 2008. RBC voit le dollar canadien clôturer 2008 à 93 cents US – en baisse de 20 % sur son
niveau de 1,07 $ du début de novembre.
Pour les producteurs porcins, et d’autres que le rapport entre les deux devises touche, cela serait en principe une bonne
nouvelle. Mais Kevin Simpson conseille à ses clients de continuer d’effectuer des opérations de couverture.
« Pour tous mes clients, j’espère un dollar plus faible, dit-il, mais je veux quand même qu’ils soient protégés contre les ravages
qu’inflige l’appréciation rapide de la devise. »
Lorsqu’il conseille des agriculteurs sur la couverture contre les risques de change, M. Simpson recommande trois stratégies possibles. Un : acheter un contrat à terme sur le dollar canadien. Deux : acheter des options d’achat, qui peuvent être considérées comme une forme d’assurance. Et trois :
vendre des options de vente. Dans chaque cas, selon la structure de la couverture, il y a un gain à faire si le huard prend de la valeur.
Ce gain fait alors contrepoids aux pertes liées au change dans une exploitation agricole.
Ainsi s’énonce la stratégie. Cependant, alors que le dollar montait ces dernières années, M. Simpson a constaté que bien des clients devenaient de plus en plus sourds à ce message.
« Beaucoup de producteurs agricoles sont des investisseurs dans la valeur – qui ont appris à acheter à prix faible et à vendre à prix fort, dit-il. Ils étaient réticents à acheter des dollars canadiens à 95 cents US, quand ils auraient pu l’acheter à 75 cents US un an ou deux plus tôt. Les opérations de couverture, cependant, rapportent lorsque les prix touchent des bas ou des hauts qui ne se sont pas vus depuis des décennies.
Nos opérations de couverture à la baisse ont été profitables lors de l’effondrement du marché du porc en 1998 et les couvertures
sur le dollar canadien sont payantes dans le marché haussier de 2007. Ce type de couverture a encore toute sa place. »
Quand on regarde leurs valeurs des 30 dernières années, il peut sembler étrange de voir les deux devises nord-américaines
à parité. On pourrait avoir tendance à croire que la parité avec le billet vert est une sorte de plafond pour le huard. Pour M. Simpson,
cependant, le fait que le dollar canadien ait connu une longue ascension ne veut pas dire qu’il ait fini de monter.
Au sujet du taux de change, M. Simpson continuera de conseiller à ses clients d’espérer le meilleur, mais d’être prêts pour le pire.
« Ces dernières années, chaque mouvement important du dollar canadien a pris le marché par surprise, dit M. Simpson. Le huard montera-t-il encore ? Personne ne le sait. Mais quand vos revenus sont en dollars américains et vos charges, en dollars canadiens, gérer ce risque est important. »
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