Les virtuoses des cycles
Comment des producteurs composent avec les fluctuations des prix agricoles.
Les prix du porc en Amérique du Nord
suivent généralement un cycle de quatre
ans : deux années de hausses puis deux
années de baisses. Les producteurs
augmentent leur production quand les prix
montent et, naturellement, la réduisent
lorsque les prix reculent.
Si le cycle des prix du porc est bien connu,
et en partie prévisible, beaucoup de
producteurs spécialisés dans d’autres
produits doivent composer avec des prix
qui peuvent varier fortement d’une année
à l’autre.
Pour Bob Richards, même si, individuellement,
les producteurs n’ont pas grande
influence sur les prix agricoles, certains ne
manquent pas d’imagination pour agir là
où ils le peuvent.
« Pour commencer, vous devez connaître
vos coûts et les sources de risques possibles,
dit M. Richards, vice-président, Agriculture
et agroalimentaire, RBC Banque Royale,
à Abbotsford (C.-B.). Vous utilisez ensuite
ces informations pour maximiser vos
profits les bonnes années, et si possible,
réduire vos pertes les années difficiles. »
Une couverture complète
M. Richards a été pendant sept ans chef
d’équipe dans la division de gestion des
risques agricoles, de RBC Banque Royale,
à London (Ontario). Il a ainsi pu observer
de près comment les gros clients agricoles
de RBC Banque Royale géraient leurs
risques. Leur stratégie leur permettait de
profiter au maximum des possibilités tout
en se couvrant le plus possible contre la
baisse des prix des produits agricoles.
Un de nos clients, producteur de porcs dans
le sud-ouest de l’Ontario, s’est doté d’un
système de gestion des risques détaillé.
Il a établi qu’il faisait face à au moins trois
risques distincts : la hausse des prix des
aliments pour les animaux, la baisse des
prix au comptant du porc et la hausse du
dollar canadien face au dollar américain.
Il a mis au point un programme pour
gérer le risque lié aux prix des intrants et
des porcs. Avec l’aide de RBC Dominion
valeurs mobilières, il s’est prémuni contre
les risques de change et les variations du
prix au comptant des porcs avec des
instruments de couverture et des options.
« Ces stratégies sont à la portée des
producteurs, explique M. Richards. Vous
pouvez bloquer les prix des aliments et
des suppléments avec des instruments
de couverture ou par l’intermédiaire des
fournisseurs d’aliments. Vous pouvez aussi
vous garantir un prix à terme sur un
pourcentage de la production et
gérer aussi le risque de change. »
Faire bon usage du crédit
Selon M. Richards, les producteurs sur
des marchés très volatils doivent réfléchir
à la manière dont ils utilisent le crédit.
Il y a tout d’abord la marge de crédit
d’exploitation pour obtenir des fonds à
court terme. Les producteurs doivent, et
leurs banquiers voudront très probablement
qu’ils le fassent, réduire l’utilisation de leurs
prêts d’exploitation les années où l’argent
rentre bien. S’il est assez naturel qu’un
producteur puise dans ce prêt pendant
les années maigres, une forte utilisation
pendant les bonnes années doit soulever
des questions.
Il y a aussi le financement par emprunt à
terme fixe, comme les prêts pour le matériel
ou les hypothèques. Dans la plupart des cas,
les clients doivent respecter un calendrier
de remboursement que les prix agricoles
soient à l’apogée ou au creux de leur cycle.
Toutefois, de nombreux utilisateurs de ce
genre de financement surveillent de près
l’évolution des taux d’intérêt, surtout
lorsque les prix se rapprochent du creux
du cycle.
« Vous ne voulez certainement pas être
obligés de renouveler un prêt ou une
hypothèque à des taux plus élevés au
moment où l’argent rentre difficilement,
dit M. Richards. Les producteurs peuvent
gérer ce risque en échelonnant les dates
d’échéance de leurs dettes. Ainsi, ils sont
sûrs qu’ils n’auront pas à renouveler tous
leurs emprunts en même temps. »
Lorsque les prix agricoles sont élevés et
que l’argent rentre, rembourser un prêt
ou une hypothèque par anticipation peut
permettre à une exploitation de mieux
supporter les baisses des prix. Il est aussi
possible de convertir les prêts en facilités
à terme renouvelables, ce qui permet de
rembourser par anticipation (quand les
années sont bonnes) puis de réemprunter
jusqu’à la limite initiale sans refaire une
demande de crédit.
« C’est un moyen pratique de se procurer
des fonds lorsqu’on arrive au creux du
cycle », dit M. Richards.
Expansion en creux de cycle
Agrandir pendant les périodes de vaches
grasses, ne pas bouger pendant les périodes
de vaches maigres. C’est ce que l’on fait
dans beaucoup d’industries, mais les
producteurs astucieux, qui savent profiter
des cycles, font souvent tout le contraire.
Cela demande de la planification,
des réserves financières, de la
patience et du cran.
« Essayer d’agrandir son exploitation
lorsque l’argent rentre difficilement peut
paraître irrationnel, explique M. Richards,
mais cela peut en valoir le coup si le
producteur a les capitaux nécessaires.
Prenons le cas des porcs. Si vous agrandissez
lorsque le marché est à son apogée, vos
cochons supplémentaires arriveront sur le
marché lorsque les prix descendent ; par
contre, si vous le faites au moment où le
marché est à son plus bas ou presque, vos
livraisons augmenteront au moment où
les prix commencent à grimper. »
Dans certains secteurs agricoles, les cycles
des produits et des prix sont prévisibles.
Dans d’autres, les prix peuvent varier
considérablement et de manière tout à fait
imprévue d’une année à l’autre. Mais Bob
Richards voit dans tous les secteurs des
producteurs très conscients de leurs risques
prendre en main les facteurs qu’ils peuvent
contrôler ou influencer.
« L’idée est de se garder une marge pour
couvrir les coûts d’exploitation, conclut
M. Richards. Et pour se doter d’un plan de
gestion des risques, il faut commencer par
avoir une bonne idée de ces coûts. »
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