Les bons comptes font les bons choix de gestion
Pour un agriculteur de Saskatchewan, la prospérité, c’est d’abord une question de méthode
« Si je ne dois rien en tirer, autant ne pas semer. » Ce propos est dur dans la bouche d’un père de deux jeunes enfants. Mais il résume aussi la vision rigoureuse qu’a Rod Edgar, 40 ans, de son gagne-pain. Et pour cause. Il a littéralement dû convaincre son épouse, Renette, avant de revenir à l’agriculture en 1989. Il sait aussi que si leur exploitation est rentable actuellement, il doit tout faire pour qu’elle le reste. « Nous n’aurons pas besoin de la ferme pour prendre la retraite, ce sera un plus », prédit M. Edgar.
Les Edgar ont pris possession de leur ferme près de Wolseley quand six quarts de section locaux ont été offerts en location. Rod Edgar y avait vécu avant de s’exiler, 10 ans plus tôt. N’ayant jamais su renoncer à l’idée de retourner à la terre, il a convaincu sa femme de faire le saut. Et en 1991, ils ont acheté leur premier quart de section et partagé le matériel et la main-d’œuvre avec le père et le frère de Rod Edgar.
À l’époque, ils n’avaient en vue que l’avenir, pas le passé, selon Mme Edgar. Ancienne enseignante devenue conseillère en orientation de la commission scolaire de la région, elle se faisait peu d’illusions sur la vie à la ferme. « J’ai grandi sur une ferme dans la région de Melville et je n’avais pas l’intention d’épouser un fermier. Nous avons fini par aborder la question comme un investissement dans une entreprise et avons décidé de faire en sorte que ça marche », dit-elle.
Aujourd’hui, l’exploitation couvre cinq quarts de section louées, 250 acres appartenant au père de Rod Edgar (qui se prépare à prendre la retraite) et 600 autres, à Dave, le frère aîné. Il cultive des pois, du blé de printemps, de l’orge, du canola, du lin et du blé dur, le quart de section familial servant de base à la ferme.
Les chiffres parlent
Classé deuxième dans le plus récent concours des meilleurs jeunes fermiers de Saskatchewan, Rod Edgar améliore son exploitation par l’analyse constante de ses comptes de caisse et d’exercice. « La tenue de comptes est ce que je préfère. Si une activité n’est pas profitable, il faut savoir y renoncer », dit Rod Edgar.
Il y a quelques années, cette approche lui avait fait renoncer temporairement à cultiver du blé de printemps en faveur du blé dur et de graines d’alpiste. À 3 $ ou 4 $ le boisseau, « cela ne payait pas assez, peu importe le rendement de la terre », dit M. Edgar qui calcule la rentabilité de chaque culture et la compare à ce qu’il peut obtenir sur le marché. L’an dernier, avec un seuil de 2,17 $ le boisseau pour l’orge, il a visé le maltage et dégagé un bénéfice par acre de plus de 80 $. Avec un coût du blé de printemps de 3,34 $ le boisseau, il a signé un contrat à prix fixe de 5,15 $ avec la Commission canadienne du blé.
Et il applique la même approche à l’achat de matériel. En 1998, il a acquis une nouvelle moissonneuse-batteuse automotrice pour en remplacer deux tractées, mais seulement après s’être assuré qu’elle serait plus économique à l’usage. Un an plus tard, il a réévalué les 9 600 $ que lui coûtait l’épandage de produits de protection des cultures par un tiers. Résultat : il a acheté son propre pulvérisateur enjambeur dons le coût d’exploitation est d’environ 7 000 $ par an.
Une question de temps
Spécialiste autoproclamé de l’efficacité, M. Edgar comptabilise scrupuleusement le temps qu’il consacre à ensemencer et à récolter. Il y a deux ans, cette information l’a poussé à décider de regrouper tous ses terrains dans un rayon de 7 km (plutôt que 20). Il est aussi passé à des parcelles de 200 acres (plutôt que 100) et commence toujours les travaux du printemps avec un plan champ par champ.
L’an dernier, cette stratégie lui a fait gagner une journée entière. Cette année, un nouveau réservoir de 240 boisseaux avec un contrôleur d’obturation réduira le temps de remplissage et de vérification des becs d’ensemencement ce qui devrait faire gagner encore une journée.
Semer et récolter tôt libère plus de temps pour du travail pour des tiers, selon M. Edgar qui passe habituellement une heure par jour à la tenue et à l’analyse des dossiers. (Ce temps triple en hiver.) « Je suis tout le temps à la recherche de ce que je peux faire pour gagner du temps puis utiliser ce temps pour gagner de l’argent. »
Pour Rod Edgar, une bonne tenue des dossiers et une bonne analyse sont un investissement dans l’avenir de la ferme, qui permet aussi d’épargner en vue des études de son fils et de sa fille.
Son conseil à ceux qui aimeraient adopter sa stratégie ? Être absolument franc dans l’analyse des chiffres et prendre du temps pour apprendre des autres. « Si je vois quelqu’un gagner de l’argent, je lui demande ce qu’il fait, et comment il s’y prend. »
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