Les producteurs de canneberges saisissent de nouveaux marchés
De nouveaux produits ont fait exploser la demande des consommateurs, et un producteur du Québec est en tête sur ce marché.
Les gens qui ont mis l’huile de canola et les
boissons de soya sur nos tables peuvent bien
trouver à redire, mais s’il y a un produit qui a
fait une percée spectaculaire ces 25 dernières
années, c’est bien la canneberge !
Ce petit fruit qui n’était consommé qu’à
quelques occasions dans l’année figure
aujourd’hui sur les listes d’épicerie des
consommateurs sous toute une variété
de formes : congelée, séchée, en jus de fruits
ou en produits de boulangerie. Pourquoi
cet engouement ? De plus en plus de
consommateurs découvrent ses bienfaits
uniques pour la santé.
Pour le producteur Jean-François Bieler,
il n’y a qu’un problème, mais c’est un
problème que beaucoup lui envieraient.
« Nous n’arrivons pas à répondre à la
demande, dit M. Bieler, directeur général de
Canneberges Atoka Inc., à Manseau (Québec).
Nous pourrions en vendre deux ou trois fois
plus que nous en produisons, mais nous ne
pouvons pas nous en procurer davantage. »
D’un seul producteur à 50
Lorsque les Bieler se sont lancés dans la
canneberge en 1984, il n’y avait qu’un autre
producteur dans l’Est du Canada. Ils sont
aujourd’hui une cinquantaine. Atoka se
procure ses canneberges dans les fermes
qu’exploite la famille, mais aussi auprès
d’une douzaine de producteurs triés sur le
volet au Québec, dans les Maritimes et aux
États-Unis. La société emploie 110 personnes
pour la transformation du produit brut en
canneberges fraîches, en jus concentrés
et en canneberges séchées.
« Il n’y a pas beaucoup de petits fruits où
le Canada et le Québec, notamment, ont
un avantage, dit M. Bieler. Nous pouvons
produire des canneberges moins cher que
partout ailleurs dans le monde. »
C’est dans les années 1980 et surtout 1990
que les consommateurs ont commencé à
découvrir tous les bienfaits de la canneberge
pour la santé, et les transformateurs ont
fait exploser la demande en proposant de
nouveaux produits combinant goût, qualités
thérapeutiques et présentation pratique.
Un exemple, les canneberges séchées,
dont les ventes grimpent de 20 pour cent
par an depuis cinq ans et qui sont
maintenant la catégorie la plus importante
pour Atoka. Les canneberges et le jus de
canneberge sont aujourd’hui omniprésents
dans les magasins.
« La canneberge est vraiment devenue un
produit courant, constate M. Bieler. Après
le jus d’orange, c’est le jus de canneberge
qui est le plus vendu, à peu près à égalité
avec le jus de pomme. »
Accroître la production demande du temps
S’il n’y a pas assez de canneberges pour
répondre à la demande, pourquoi ne pas
augmenter la production ? Ce n’est pas si
simple, explique M. Bieler.
Contrairement à la croyance populaire,
les canneberges ne sont pas cultivées dans
l’eau. La plante préfère un sol sablonneux
et acide que l’on trouve justement près
des marais ou des tourbières. Mais ces zones
sont souvent protégées, et obtenir un
permis pour mettre de nouveaux terrains
en culture prend du temps et des efforts.
Une fois les autorisations obtenues,
il faut faire de gros investissements pour
commencer à cultiver ce fruit. M. Bieler
estime que l’aménagement d’un acre de
terrain coûte environ 35 000 $. Et il faut
attendre trois ans avant la première récolte,
puis deux ans de plus pour obtenir des
fruits assez gros pour les cueillir. Même
quand les conditions sont bonnes, tirer
une récolte exploitable de ces arbrisseaux
rampants n’est pas une petite affaire.
« La culture de la canneberge exige
beaucoup de savoir-faire, dit M. Bieler, et
la récolte suit un cycle naturel. Une bonne
année est généralement suivie d’une année
moyenne. » En 2007, par exemple, la
production avait baissé de 35 pour cent au
Québec par rapport à l’année précédente.
Recherchés : plus de producteurs,
plus de diversification
Comme beaucoup de secteurs agricoles,
celui de la canneberge a subi le contrecoup
de la hausse du dollar canadien. Et comme
98 pour cent des produits d’Atoka sont
vendus en dollars américains, la vigueur
de la monnaie canadienne aurait pu ralentir
la croissance de ce secteur, mais il semble
que rien ne peut arrêter son expansion.
« Le dollar a augmenté, dit M. Bieler, mais
la valeur de la récolte a augmenté encore
plus. La hausse du dollar nous a en fait
poussés à améliorer nos rendements et nos
méthodes de production. On peut donc
dire que, d’une certaine manière, la hausse
du dollar nous a fait du bien. »
La demande dépasse l’offre, de l’Europe à
l’Asie en passant par l’Australie, le monde
entier veut des canneberges, alors comment
Atoka voit-il l’avenir ? Pour se préparer au
cas où la croissance ne durerait pas, Atoka
veut se diversifier. À partir de 2009, la société
commencera à commercialiser des bleuets
séchés. Mais naturellement, le produit qui
a donné son identité à Atoka restera sa
principale activité.
Jean-François Bieler continuera de chercher
des producteurs prêts à se lancer dans cette
aventure comme sa famille l’a fait il y a 25 ans.
« Nous essayons d’encourager plus de
gens à se lancer dans la production de la
canneberge, conclut-il. C’est aujourd’hui
extrêmement rentable pour ceux qui ont
les connaissances pour produire des fruits
de qualité. C’est le marché idéal. »
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