La Farm Bill américaine – Sept années de subventions de plus
Les Farm Bills existent depuis des décennies, mais la loi actuelle couvre plus de cultures que jamais et le taux des prêts est nettement plus élevé.
La nature des cultures des deux côtés de la frontière en 2003 dépendra de la Farm Bill adoptée le 13 mai 2002.
« Le nombre de changements apportés aux taux des prêts est important pour les agriculteurs canadiens, dit Mike Krueger, analyste des marchés agricoles à Harwood (Dakota du Nord). Jadis, il n’y avait qu’un seul taux de prêt pour le blé. Maintenant, il en existe pour chaque catégorie. »
Les taux des prêts sur denrées, repris des Farm Bills précédents, sont fixes et varient d’une région à l’autre. Selon M. Krueger, si les prix des denrées sont inférieurs aux taux établis, les agriculteurs américains choisiront leurs cultures en fonction des taux des prêts et non du marché.
« Les agriculteurs américains sèmeront bien plus de blé dur que de blé de printemps, simplement parce que le taux de prêt est plus élevé, indique-t-il. En fait, le taux de prêt de l’USDA pour le blé dur est de 70 cents à un dollar plus élevé que celui du blé de force roux du printemps, ce qui fausse la donne. Les surfaces ensemencées en blé de printemps et en blé dur aux États-Unis en dépendront. »
À la moisson, les producteurs subventionnés ont le choix de vendre leur récolte et de rembourser leur emprunt ou de céder leur récolte contre l’annulation du prêt. Si le cours du marché est inférieur au taux du prêt, les agriculteurs reçoivent la différence des contribuables américains qui les subventionneront à raison de 190 milliards de dollars pendant les dix années à venir.
En conséquence, les producteurs canadiens se lanceront dans des cultures moins subventionnées et chercheront les créneaux non encore comblés sur les marchés mondiaux. Comme les producteurs américains sont invités à pratiquer les cultures qui offrent la plus grosse marge bénéficiaire et à produire au maximum, il ne reste aux agriculteurs canadiens qu’à livrer concurrence sur des possibilités d’exportation moins payantes.
Les subventions des producteurs américains influenceront le choix des cultures de leurs homologues canadiens. « Si je peux semer plus de blé ou de maïs, ce sera vraisemblablement au détriment de l’orge. La culture de l’orge se fera donc ailleurs, au Canada, par exemple », explique M. Krueger.
LA CULTURE DE LÉGUMINEUSES
Les agriculteurs canadiens se ressentiront de l’ajout des pois et des lentilles à la liste des cultures subventionnées par la Farm Bill.
« Le taux du prêt pour la plupart des légumineuses est particulièrement élevé. On peut donc s’attendre à une énorme expansion des cultures de pois et de lentilles aux États-Unis », estime M. Krueger.
Mais les producteurs canadiens ne pâtiront pas autant que prévu des effets de la Farm Bill. Les pois chiches ont un taux de prêt négatif, d’où une petite production. Les légumineuses n’ont jamais représenté une culture majeure aux États-Unis, notamment à cause des maladies et du manque d’équipements spécialisés. Les producteurs américains seront-ils suffisamment intéressés par les subventions pour se lancer dans la culture à grande échelle de légumineuses ? Voilà la question.
ASPECTS POSITIFS
Bien que le taux de prêt pour l’orge ait augmenté, il n’atteint pas celui des autres cultures. L’ensemencement aux États-Unis pourrait en souffrir et permettre aux producteurs canadiens d’orge de prendre la relève. Même chose pour le lin qui, comme le canola et le tournesol, appartient à la catégorie des plantes oléagineuses mineures.
« Les taux de prêt découlant de la Farm Bill auront pour effet d’envoyer au Canada la production de blé de printemps, d’orge et de lin, parce que les Américains sèmeront du blé dur, des pois secs, des lentilles et du tournesol destiné à la confiserie », prédit M. Krueger.
Quelles que soient les cultures en 2003 aux États-Unis et au Canada, les producteurs canadiens sont dans une situation difficile puisqu’ils devront endurer pendant sept ans une nouvelle forme de politique protectionniste.
À Harvard, à l’automne dernier, l’honorable Lyle Vanclief, ministre de l’Agriculture et de l’Agro-alimentaire au Canada n’a pas mâché ses mots. Les Farm Bills américaines, a-t-il déclaré « transforment les agriculteurs en junkies drogués aux subventions gouvernementales plus portés à exploiter leur boîte aux lettres que leurs terres. Les subventions bonifient leurs avoirs, et – surprise – ils ne peuvent plus s’en passer. »
Pendant les sept ans de la Farm Bill, les producteurs canadiens feraient bien de surveiller de près le cours mondial des denrées et l’évolution des récoltes chez nos voisins.
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