Grandes tendances dans les Prairies
De la vallée de la rivière Rouge au Manitoba au Peace Country albertain et à la Colombie-Britannique, l’agriculture des Prairies vient de traverser des années très difficiles.
Les problèmes de la région ont fait les manchettes : 26 mois sans pouvoir exporter du bœuf, sous embargo pour cause d’ESB, et une alternance désastreuse entre sécheresses et inondations.
Mais sans faire d’éclat, les producteurs agricoles ont refait leurs devoirs et trouvé de nouveaux moyens de s’en sortir. C’est l’opinion d’Earl Smith, directeur, Agriculture et agroalimentaire de RBC Banque Royale pour les Prairies. Selon lui, pour savoir ce qu’ils ont réalisé et pourquoi, il suffit de regarder les grandes tendances qui se dessinent maintenant dans le secteur. D’une façon ou d’une autre,toutes reflètent l’évolution de l’agriculteur canadien – d’un producteur qui subit les prix du marché à une personne d’affaires qui façonne son avenir.
De producteur à gestionnaire
Il ne suffit plus de produire beaucoup. Agriculteurs et éleveurs sont de plus en plus appelés à faire davantage. « Cela n’est pas nouveau, bien sûr, dit M. Smith, mais cela arrive sur une échelle bien plus grande qu’avant. Ceux qui réussissent le mieux s’intéressent moins à la production et plus à leurs coûts. Et ils passent plus de temps à gérer qu’à travailler dehors. »
De producteur de denréesà promoteur de marque
Marchés champêtres et fermes d’auto-cueillette ne sont que quelques-uns des nouveaux rapports entre producteurs et consommateurs. De plus en plus de gens sont très conscients que la valeur à long terme réside non plus dans une denrée à produire, mais dans une marque à défendre.
« Nous avons par exemple des exploitants qui ouvrent des étalages pour vendre du bœuf au public », raconte M. Smith. En soignant ces relations essentielles avec la clientèle, ces exploitants peuvent vendre à des prix plus rémunérateurs et créer une
demande nouvelle.
De producteur spécialisé à exploitant diversifié
M. Smith croit qu’une des raisons pour lesquelles les producteurs des Prairies ont su résister à la tourmente des dernières années est que beaucoup ont diversifié leurs affaires afin de créer une autre source de revenus pour l’exploitation ou la famille.
« Bon nombre des grandes exploitations commerciales avec lesquelles nous traitons ont une affaire connexe, affirme-t-il, une entreprise qui apporte une valeur ajoutée à la ferme, voire même une activité non agricole. »
De producteur indépendantà entrepreneur interdépendant
L’esprit d’indépendance est loin d’être mort chez les agriculteurs. Mais certains ont
découvert que de travailler en partenariat avec d’autres peut réduire les risques et
ouvrir de nouveaux horizons. Il peut s’agir d’un partage de ressources agricoles entre familles ou de coopérations le long de la chaîne de valeur.
« Les gens collaborent dans des coentreprises pour offrir des produits qui sont plus valorisés et qui répondent de façon très précise à des exigences d’acheteurs, dit M. Smith. L’industrie du porc le fait depuis longtemps, sur les plans de la génétique et de la production, et la tendance se propage à d’autres secteurs. »
La prochaine frontière
Ces mutations sont de bonnes nouvelles pour l’agriculture des grandes plaines, selon Earl Smith. Cependant, il constate que deux éléments font trop souvent défaut. D’abord, l’attitude des agriculteurs canadiens à l’égard du profit.
Pendant la majeure partie des années 1990, il dirigeait une société concevant des solutions de commerce et de formation en ligne. Le gros de sa clientèle étant aux États-Unis, il a pu voir les différences entre les deux cultures d’entreprise.
À son avis, un Canadien a tendance à voir une opération commerciale comme une proposition gagnant-perdant. En bref, si l’une des deux parties gagne, l’autre perd. Lui préfère de beaucoup l’attitude américaine, qu’il voudrait voir adopter comme modèle pour l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire au Canada.
« Aux États-Unis, on cherche plus à faire des affaires ensemble, de telle façon que les deux parties en bénéficient et réalisent un profit. Collectivement, nous pouvons
en tirer des leçons. »
Sa seconde priorité serait que les gens d’affaires apprennent à sortir des sentiers
battus pour transformer les règles du jeu. « La prochaine étape de l’agriculture
canadienne est de voir plus de gestionnaires devenir des pionniers, dit M. Smith. Car
un gestionnaire réagit à des conditions changeantes, tandis qu’un pionnier crée de nouvelles conditions. À ce stade, nous avons d’excellents administrateurs, mais relativement peu de défricheurs. »
Pour 2007, il s’attend à une grosse année dans l’agriculture des Prairies,les calamités des dernières années s’estompant. Il croit que le secteur est mûr pour faire un grand bond en avant.
« S’il est un créneau à surveiller en 2007, c’est bien celui des biocarburants comme
l’éthanol et le biodiesel, qui auront une forte incidence sur la demande et les prix
des céréales et des oléagineux, conclut-il. Après des moments difficiles et avec des
approches inédites en affaires et en gestion, cette nouvelle voie pourrait être royale. »
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