Quelques réflexions de M. Kohl
Vous travaillez souvent avec des conseillers agricoles. Quelles pensées les occupent par les temps qui courent
et que devrait savoir un producteur ?
Dans le cadre de mon travail, je rencontre un grand nombre d’exploitants agricoles et de
banquiers, des deux côtés de la frontière américano-canadienne. Au Canada, je voyage d’un
bout à l’autre du pays dans le cadre de la série de conférences sur l’agriculture commanditées
par RBC. Aux États-Unis, depuis 19 ans, j’enseigne un cours intitulé Prêt à la petite entreprise
agricole, à la Graduate School of Banking de la Louisiana State University.
Voici quatre thèmes liés au secteur bancaire qui ont récemment retenu mon attention.
Les marchés très actifs sont une source de préoccupation. Dans les secteurs agricoles et ruraux,
l’ébullition du marché immobilier et de celui des matières premières, particulièrement du secteur
céréalier, est une importante source de préoccupation. Un grand nombre de personnes considèrent
que la flambée des prix des matières premières ne pourra pas durer et que les décisions de
placement à long terme sont prises en fonction de points de vue optimistes face à un nouveau
paradigme lié aux profits des exploitations agricoles. Nombreux sont ceux qui croient le secteur
des cultures potentiellement plus à risque que ceux du bétail et de la volaille, qui connaissent
une compression des marges en raison des prix cotés et du coût plus élevé des intrants. Comme
un économiste l’a déjà déclaré relativement aux problèmes qui sont récemment survenus dans
le secteur immobilier américain, « Si ça pousse trop vite, c’est de la mauvaise herbe ».
Les prêts « à l’ancienne » sont de retour. Certains tirent des leçons des événements survenus en
2008 dans le marché immobilier américain, notamment les problèmes liés au marché des prêts
hors normes et la crise immobilière enregistrée dans le secteur domiciliaire. De plus en plus de
prêteurs et d’organismes de réglementation reviennent à des pratiques de prêt éprouvées. Cela
signifie qu’ils examinent minutieusement les flux de trésorerie, les profits et le fonds de roulement,
ainsi que les garanties subsidiaires et la solidité globale du bilan.
Le ralentissement de l’économie mondiale touche l’agriculture. Les préoccupations liées aux
politiques gouvernementales, notamment le U.S. Farm Bill et ses répercussions sur le respect
des décisions de l’OMC, sont au centre des discussions. D’autres s’inquiètent du fait que la
spéculation pousse à la hausse le prix du pétrole et des matières premières, ce qui vient fausser
les flux de trésorerie et les profits de leurs clients. À l’heure actuelle, en Amérique du Nord, les
revenus d’un grand nombre d’exploitations agricoles proviennent de sources autres qu’agricoles.
Ces exploitations seront fortement touchées dans l’éventualité d’une grave récession économique
prolongée.
Les banquiers remettent en question l’engagement des prêteurs des beaux jours. Les prêteurs
se méfient des concurrents plus dynamiques dans le secteur agricole qui offrent des taux
extrêmement bas et des modalités alléchantes uniquement pour attirer la clientèle. Un prêteur
a récemment soulevé le point suivant : « Les prêteurs qui offrent aujourd’hui des taux et des
modalités hors normes existeront-ils encore lorsque les premiers signes d’adversité frapperont
le secteur agricole ? » Il s’agit là d’une question que les prêteurs et les emprunteurs devraient
tous deux se poser.
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