Une nouvelle voie
Le nouveau Cadre stratégique pour l’agriculture (CSA) du Canada ouvrira une nouvelle voie, mais est-ce la bonne ? Voici les commentaires de trois spécialistes.
Bob Friesen est président de la Fédération canadienne de l’Agriculture. La FCA est une organisation nationale financée par les agriculteurs qui représentent plus de 200 000 familles agricoles canadiennes.
Les Brost, grand éleveur et consultant, a présidé à la préparation du rapport Agrivantage sur l’avenir de l’agriculture et de l’industrie agro-alimentaire de l’Alberta.
Karl Meilke, professeur d’agroéconomie à l’université de Guelph, s’est spécialisé dans les politiques agroalimentaires visant le commerce international et national.
Le Cadre stratégique pour l’agriculture (CSA) n’a pas encore été endossé par toutes les provinces. * Les agriculteurs se demandent ce que cette nouvelle série de programmes leur apportera.
Nous avons demandé à trois personnes étroitement liées au secteur agricole canadien de nous dire ce qu’elles en pensent. Un sujet est revenu constamment : la fusion du CSRN et du PCRA en un seul programme national.
Bob Friesen, président de la FCA
Les éléments du CSA sont très pertinents et importants. Dans le passé, des politiques ont trop souvent été prises séparément les unes des autres, ce qui réduisait l’utilité de toutes. Nous approuvons le principe du CSA parce qu’il crée des liens entre le ministre de l’Agriculture et les autres ministres à Ottawa qui ont une certaine compétence dans l’agriculture.
Ce qui nous inquiète cependant, c’est que le programme de gestion des risques de l’entreprise s’applique à toutes les provinces. L’idée est peut-être bonne, mais si elle est appliquée comme l’entend le fédéral, les provinces ne pourront plus avoir de programmes complémentaires. Certaines régions ou provinces connaissent des problèmes particuliers, et nous croyons qu’il est impératif que les provinces puissent utiliser une partie de l’argent destiné à la gestion des risques pour répondre à ces besoins.
Le CSRN avait été créé essentiellement pour que les fermiers puissent se constituer un fonds de revenu, en être responsable et le gérer eux-mêmes. C’était un facteur de stabilité. Le nouveau programme ne garantit pas les mêmes avantages.
Les Brost, éleveur et consultant
Le CSA donne à l’industrie une occasion extraordinaire de prendre les mesures nécessaires pour assurer sa survie à long terme. Tout simplement. Certains aspects ne me plaisent pas beaucoup, mais l’homogénéité du programme est assez étonnante, surtout tout ce qui concerne la durabilité et la gestion de l’environnement. Voilà des occasions inespérées de lier les bonnes pratiques commerciales et la gestion de l’environnement et d’ouvrir de nouveaux débouchés pour les biens et services destinés à la protection de l’environnement.
Les consommateurs sont beaucoup mieux informés aujourd’hui. Il est temps de les écouter et de leur donner ce qu’ils veulent. S’ils veulent de l’air pur et de l’eau propre, ils doivent en payer le prix. Le CSA crée le cadre nécessaire pour cela.
Ce qui me tracasse davantage, c’est la gestion des risques. Je perçois dans le programme une forme de prise en charge et de paternalisme qui est endémique dans cette industrie, où il faut prendre les fermiers par la main à chaque nouvelle transition. Je ne crois pas qu’aucun autre secteur de l’économie canadienne bénéficie d’autant de sollicitude. Or c’est ce qui nous a conduits à notre situation actuelle.
Karl Meilke
Les politiques du CSA sont déterminées par ce qui se passe aujourd’hui, par ce qui s’est passé hier et par la réaction des gens à ces changements. Il y a dix ans, avec Partenaires dans la croissance (le dernier grand changement de politique), l’objectif était de réduire les coûts de production, de se débarrasser du poids de la réglementation, de supprimer les barrières qui gênaient le commerce entre les provinces et d’essayer de simplifier la mosaïque des programmes de stabilisation provinciaux. Enfouis dans ce programme, on trouvait le développement durable et toutes les questions dont on parle aujourd’hui : la salubrité des aliments, l’environnement, la conservation et même la diversité génétique.
Avec le CSA, l’orientation a complètement changé. Nous nous préoccupons de la marque Canada, du contrôle des attributs tout au long de la chaîne alimentaire, de salubrité des aliments et d’environnement. Il semble que l’objectif soit de différencier les produits canadiens pour obtenir le prix fort. Mais, il aurait été beaucoup plus facile de promouvoir l’image de marque du Canada sans la découverte de notre vache folle en Alberta.
Le CSRN plaisait beaucoup au gouvernement parce que ses contributions aux programmes de stabilisation étaient plus stables et prévisibles s’il parvenait à éviter de faire des paiements ponctuels, mais ça c’était impossible. Le programme de gestion des risques de l’entreprise (GRE) qui remplacera le CSRN est un changement de philosophie radical car les fermiers ne seront maintenant payés qu’en cas de problème. Les producteurs n’auront plus accès à leurs fonds dans le CSRN, que beaucoup considéraient comme un fond de retraite.
Du point de vue économique, la prise en charge des variations des marges de production et des catastrophes sans soutien ponctuel est une bonne chose. Mais d’un point de vue politique, les producteurs pourront-ils s’empêcher de chercher à obtenir une aide supplémentaire en cas de catastrophe ? Il est très difficile pour les hommes politiques d’ignorer la sécheresse en Saskatchewan et de ne pas offrir une forme de soutien supplémentaire. Ce sont des réponses politiques, pas économiques.
*Au moment de la mise sous presse, toutes les provinces avaient signé le CSA, mais seules l’Alberta, la Colombie- Britannique, Terre-Neuve/le Labrador, le Nouveau-Brunswick et le Yukon avaient signé les ententes de mise en oeuvre.
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