Les états financiers en disent long sur votre ferme
Trois directeurs de comptes de RBC Banque Royale expliquent comment ils analysent la capacité des clients de rembourser leurs dettes.
Si vous avez déjà demandé un prêt agricole, vous avez probablement remis des états financiers au directeur de comptes de votre banque. Savez-vous ce qu’il en fait ?
En général, la première chose qu’il vérifie est la capacité de l’emprunteur de rembourser sa dette actuelle ou future, disent trois banquiers RBC – Sharon Bucsis
et Lanny Dewan, à Regina, et Martyn Donnelly, à Charlottetown. Toutefois, ils ajoutent que si, bien sûr, les états financiers sont extrêmement importants,
le facteur humain joue aussi un rôle dans l’évaluation du crédit.
Mme Bucsis explique que la Banque demande généralement les états financiers à la révision annuelle du crédit des clients ou pour se faire une idée des affaires des nouveaux clients. Entre les révisions annuelles, les états financiers intermédiaires sont pratiques si le client apporte des changements majeurs à son exploitation. Ces révisions en tête-à-tête visent à favoriser la communication et à établir un vrai dialogue.
« Nous voulons que les clients sachent sur quoi nous nous appuyons pour établir leur cote de solvabilité », dit Mme Bucsis.
La comptabilité d’exercice révèle, la comptabilité de caisse obscurcit
L’agriculture canadienne se distingue des autres secteurs en ce qu’elle continue de préparer ses états financiers selon la comptabilité de caisse, qui consiste
à constater les opérations au moment d’un encaissement ou d’un décaissement. La comptabilité d’exercice, elle, constate les revenus lorsqu’ils sont gagnés et les
dépenses lorsqu’elles sont engagées, ce qui interdit diverses stratégies de réduction de revenu en fin d’année, comme l’achat d’avance des intrants pour l’année suivante. Pour donner vraiment une bonne idée des résultats d’une entreprise, il faut que les états financiers soient préparés selon la méthode de la comptabilité d’exercice. Les directeurs de comptes de RBC disposent d’un outil pour ajuster les données des clients qui préparent leurs états financiers strictement selon la comptabilité de caisse.
« La qualité des données financières que l’on nous remet varie beaucoup, dit M. Donnelly. Nous recevons de tout, aussi bien des états financiers révisés que
des déclarations de revenus. Nous essayons de faire comprendre aux clients qu’ils ont intérêt à faire préparer leurs états financiers par un comptable, car ces documents dressent un portrait nettement plus clair de leur situation, ce qui les aidera beaucoup s’ils doivent un jour prendre des décisions importantes pour leur ferme. »
Ratio de couverture de la dette
Le plus important pour le directeur de comptes est d’établir la capacité du client de rembourser sa dette. Le ratio de couverture de la dette est un bon moyen de le savoir.
« Vous prenez le revenu d’exploitation net et le bénéfice avant intérêts, impôts et amortissements, et vous le divisez par l’ensemble des dettes, explique M. Dewan.
Le chiffre obtenu donne une image instantanée et nette de la capacité du client de rembourser sa dette avec le revenu dont il dispose. »
« Nous regardons le ratio moyen sur trois ans en tenant compte de l’amortissement et des frais d’intérêt, poursuit-il. »
L’argent est roi
Comme on dit, profit ou perte, c’est une question de point de vue. Mais l’argent comptant, ça c’est concret. Comme ses collègues, Mme Bucsis accorde une
importance prépondérante à l’état des flux de trésorerie.
« L’argent comptant est vraiment le meilleur moyen de rembourser une dette, dit-elle. Nous examinons aussi soigneusement l’état des résultats. Si les revenus ou les
dépenses ont varié de dix pour cent et plus d’une année à l’autre, nous voulons savoir pourquoi. C’est très souvent dû à un événement ponctuel, toutefois, cela peut
aussi signaler une tendance à surveiller. »
Comme cela se fait dans toutes les banques, les trois banquiers se servent des états financiers pour calculer plusieurs ratios financiers essentiels. L’un d’entre eux est le ratio dette/valeur corporelle nette.
Ils calculent aussi le ratio de liquidité générale (ou ratio du fonds de roulement net), qui mesure la capacité de l’entreprise de couvrir ses dépenses à court terme. Ce ratio s’obtient par la division de l’actif à court terme (liquidités, comptes clients, stocks) par le passif à court terme (dépenses à payer dans les 12 prochains mois).
Si on soustrait le passif à court terme de l’actif à court terne, on obtient le fonds de roulement, une autre mesure cruciale.
« Si le fonds de roulement et le ratio de liquidité générale semblent baisser, dit M. Dewan, il peut être judicieux de convertir des dettes à court terme en dettes à plus long terme. Il faut atteindre un équilibre optimal entre le fonds de roulement et la couverture de la dette, le premier devant être suffisant pour assurer la seconde. »
Le ratio de liquidité générale est considéré comme une mesure d’évaluation plus importante pour les exploitations agricoles plus exposées aux fluctuations des prix des
matières de base, comme les producteurs de cultures industrielles. Pour les secteurs à offre réglementée, comme la production laitière, où les prix fluctuent moins, ce ratio est de moindre importance.
Si le client détient une exploitation agricole constituée en société, les directeurs de comptes surveillent les mouvements de fonds entre la société et ses actionnaires : dividendes, prêts aux actionnaires et allocations de subsistance. Si de tels versements peuvent être intéressants d’un point de vue fiscal, votre banquier peut les
voir comme un problème s’ils semblent réduire la capacité de payer la dette.
Les limites de l’analyse financière
Les états financiers donnent une très bonne
idée de la situation financière d’une ferme
et de l’orientation de l’exploitation.
Cependant, cela ne suffit pas. Il faut aussi
apprendre à connaître les clients.
En fait, ces documents financiers ont souvent moins de poids que les facteurs humains. M. Donnelly explique que l’évaluation totale du risque d’un client
est établie dans une proportion de 35 à 55 pour cent sur les états financiers et leur analyse. Le reste, soit 45 à 65 pour cent, est fondé sur des facteurs humains comme le mode de gestion du client, sa position dans son secteur d’activité et le degré de volatilité attribué à ce secteur.
« Les états financiers sont des outils très importants, mais ils ne sont qu’un élément de départ pour le travail que nous faisons avec les clients », souligne-t-il.
Mme Bucsis dit la même chose. Il faut à un certain moment mettre les chiffres de côté et se pencher sur les autres facteurs qui jouent également un rôle dans la réussite du client. Elle estime que les visites traditionnelles des fermes sont toujours aussi importantes pour la relation entre le producteur et le banquier.
« L’analyse financière et la visite de la ferme se complètent pour nous aider à comprendre les objectifs financiers de l’exploitation », conclut-elle.
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