Un régime fait pencher la balance
Qui aurait pu prédire qu’un seul régime aurait de telles répercussions sur les industries du bétail, de la volaille et du porc ? Sans oublier les noix, le fromage, les pommes de terre, le pain et les pâtes. Selon ce que vous produisez, le régime Atkins et ses imitations comme The Zone et South Beach sont ou bien une bénéfiction, ou bien une calamité.
La consommation d’aliments riches en glucides a beaucoup
diminué en Amérique du Nord au cours des dernières
années. Le plus étrange, c’est que le Dr Robert Atkins a
publié son premier livre il y a environ 30 ans. Mais ce n’est
que récemment que les régimes « à faible teneur en
glucides » ont vraiment gagné en popularité – en partie
en raison d’études récentes qui attestent leur efficacité
pour la perte pondérale, sans tenir compte de leurs effets
à court terme sur la santé, ce dont on a beaucoup parlé.
L'EFFET SUR LE SECTEUR AGRICOLE
Quel effet cela a-t-il eu sur les produits agricoles ? La
consommation de tous les aliments riches en protéines
a beaucoup augmenté. Le mot d’ordre du régime Atkins,
qui favorise la consommation de viande plutôt que de
produits céréaliers, tient aussi pour les autres sources
de protéines comme le fromage, les noix, le yogourt,
les oeufs, etc.
Helen Bishop-McDonald, conseillère en nutrition
anciennement des Producteurs Laitiers du Canada,
est depuis longtemps une adepte du Guide alimentaire
canadien et a fait l’objet d’attaques répétées des
végétariens et des défenseurs des droits des animaux.
Elle a de nombreux surnoms intéressants, notamment la
Reine de la désinformation, la Bishop of Bull, etc. Selon
elle, le raz-de-marée Atkins a en fait eu un effet positif
sur l’ensemble de l’industrie laitière. La consommation
de lait est demeurée relativement stable tandis que celle
de fromage et de yogourt a monté régulièrement au
cours des dernières années.
« Le régime Atkins permet le fromage mais pas le lait en
raison de la teneur en glucides du lactose (sucre du lait),
explique Mme Bishop-MacDonald. Le régime South
Beach est plus permissif, recommandant à ses adeptes de
réduire leur consommation de sucres très raffinés, ce qui
est probablement une bonne chose de toutes manières. »
La consommation de boeuf a connu un regain de
popularité, ayant augmenté de cinq pour cent par
habitant au Canada en 2003 par rapport à 2002. Chaque
Canadien consomme environ 51,6 livres (23,4 kg) de boeuf
chaque année, selon les chiffres de Statistique Canada
d’après les ventes équivalentes au détail.
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Avec environ sept pour cent de la population qui suit des régimes à faible teneur en glucides, les fabricants et les détaillants de produits alimentaires se sont lancés à l'assaut du marché d'un milliard de dollars. |
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Les oeufs ont aussi bénéficié de cette mode. Autrefois
accusés de boucher les artères et de miner le coeur, ils
sont à nouveau en vogue. Les ventes ont connu une
hausse dans les deux chiffres, et le prix de gros a presque
doublé en 2003. Les prix du marché de Cal-Maine Foods,
un grand producteur d’oeufs frais aux États-Unis, ont
augmenté de plus de 800 pour cent l’an dernier.
Même si on ne dispose pas de chiffres sur la consommation
de pommes de terre au pays, Ivan Noonan, directeur
général de l’office des pommes de terre de l’Île-du-Prince-Édouard,
croit que la tendance canadienne est similaire à
celle observée aux États-Unis. Mac Johnson, vice-président
du marketing pour le marché intérieur du United States
Potato Board, croit aussi que les tendances sont
comparables. Même si la popularité du régime a un effet
sur la fréquence de consommation de pommes de terre,
elle n’en a pas eu sur l’ensemble des ventes. Et l’industrie
de la pomme de terre n’a pas perdu de consommateurs.
En 2003, les ventes en dollars ont chuté de 4,8 pour cent,
mais on attribue cela en grande partie aux importantes
baisses de prix. En termes de poids, les ventes ont en fait
augmenté de 1,2 pour cent par rapport 2002. L’année
précédente, les ventes avaient augmenté de 7,5 pour cent
en valeur, mais elles étaient demeurées stables en termes
de poids.
« Cela signifie que la croissance dans la catégorie ne suit
pas celle de la population », explique M. Johnson. Les
États-Unis ont fait l’objet d'une immigration importante
d’Hispaniques – jusqu’à 45 pour cent au cours des 10
dernières années – au point où ils composent maintenant
12 pour cent de la population américaine. Et ils sont de
grands consommateurs de pommes de terre. Parallèlement,
la population asiatique a augmenté de 51 pour cent au
cours des 10 dernières années et la grande majorité d’entre
eux ne consomme pas de pommes de terre.
Le mépris dont fait l’objet la modeste pomme de terre n’est
pas pris à la légère. Le United States Potato Board a lancé
une vaste campagne publicitaire pour vanter la valeur
nutritive de la pomme de terre. La campagne comprend
de la publicité, du matériel point de vente, des trousses
d’outils éducatifs pour les divers auditoires ciblés et un
effort pour revoir l’emballage des pommes de terre pour
le marché de la commodité – exit les sacs de dix livres –
et du prêt-à-servir pour répondre aux besoins des gens
pressés qui rentrent à la maison à dix-huit heures.
SUR LE FRONT DE LA VENTE AU DÉTAIL
Avec environ sept pour cent de la population qui suit des
régimes à faible teneur en glucides, les fabricants et les
détaillants de produits alimentaires se sont lancés à l’assaut
du marché d’un milliard de dollars. Ils ont lancé une foule de
produits reformulés, à faible teneur en glucides, y compris
des repas prêts à servir, des pâtes et du pain.
L’engouement pour les régimes a fait chuter la
consommation de produits à base de farine tant ici
qu’aux États-Unis. Pour contrer la baisse de leurs ventes,
les Boulangeries Weston et Pain Canada Compagnie,
Limitée ont lancé de nouveaux produits Atkins. Et les
variantes santé se multiplient puisque des pains à plus
forte teneur en calcium, faible en sodium ou sans sucre
ont fait leur apparition sur les tablettes de magasins.
L’attention accordée par les médias à la forte teneur en
sucre de la nouvelle gamme organique Healthy Way a
accentué l’attention des consommateurs à l’égard de la
nouvelle réglementation canadienne quant au tableau
nutritionnel. Les produits boulangers fonctionnels font
également leur apparition avec, par exemple, le lancement
par l’entreprise Shasha Bread, active en Ontario, d’une
gamme de produits fonctionnels, pour répondre aux
besoins distincts des hommes et des femmes en matière
de nutriments. Un autre exemple est celui de Wellness
Bread, basée en Ontario et en Colombie-Britannique, qui
offre une gamme de produits boulangers qui inclut de
l’inuline, une fibre alimentaire non soluble. Cet ingrédient
est un type de glucide qui est fermenté en microflore
intestinale suite à sa digestion. Et même les amateurs de
bière sont visés puisque que la plupart des grandes
brasseries développent de nouveaux procédés pour
réduire la teneur en glucides de la plupart des boissons
alcoolisées populaires en Amérique du Nord.
AU-DELÀ DES GLUCIDES
Il y a aussi le débat sur les bons et les mauvais gras. Les
gras trans sont les derniers tabous, et les sociétés lancent
de nouvelles huiles de cuisson santé dans l’espoir de
conquérir une part importante du marché. Au Canada,
Nexera* canola fabrique l’huile de colza Natreon, qui est
naturellement stable sans hydrogénation et qui ne contient
pratiquement pas de gras trans.
« Nous nous attendons à une augmentation substantielle
de la demande pour l’huile de colza Natreon et de la
superficie consacrée à la culture du canola », affirme David
Dzisiak, directeur du marketing de Dow AgroSciences. La
demande accrue en Amérique du Nord et l’enthousiasme
du marché japonais pour les huiles aux propriétés
fonctionnelles accrues créent d’importants débouchés
pour les entreprises de production et de transformation
des produits alimentaires. Une annonce récente du
gouvernement canadien sur l’étiquetage de la teneur en
gras trans forcera les fabricants de produits alimentaires
à faire des choix santé pour leurs procédés.
QUE NOUS RÉSERVE L'AVENIR ?
Il semble que les consommateurs soucieux de leur poids
et ceux qui souffrent d’obésité commencent à s’intéresser
à la prochaine solution magique. Comme le souligne
Ivan Noonan de l’Î.-P.-É., les livres d’Atkins ne figurent
plus sur la liste des 50 meilleurs vendeurs aux États-Unis.
Selon un sondage mené auprès de 2 500 Américains à la
fin de juin, environ dix pour cent des adultes américains
suivaient un régime faible en glucides au deuxième
trimestre, une baisse par rapport aux douze pour cent
observés au premier trimestre.
Et maintenant, il y a une surabondance de produits
faibles en glucides sur le marché. Cette année seulement,
les fabricants américains de boissons et d’aliments ont
lancé 1 863 produits ou emballages contenant des
affirmations reliées à une faible teneur en glucides – soit
le triple du nombre de produits lancés l’an dernier selon
Marketing Intelligence. Les fabricants ont dépensé des
sommes colossales pour de nouveaux produits et pour
des reformulations et il semble maintenant que la marée
se soit retirée, laissant la plage jonchée de débris.
Les régimes à la mode... passent de mode parce que les
goûts des gens se forment sur toute une vie. Ils continuent
d’aimer le goût riche de la crème dans leur café et celui
de la crème glacée, du yogourt, du boeuf persillé de gras
et des pommes de terre fraîches recouvertes de beurre,
de sel et de poivre. Tout le monde sait qu’il n’est pas bon
de consommer régulièrement ces aliments. Mais la vie
est courte. Et la plupart ne voudront pas sacrifier
éternellement le goût.
Pour les producteurs agricoles qui produisent ces
aliments délicieux ou de haute qualité, la clé, c’est de ne
pas lâcher. Il est peu probable que la raison l’emporte un
jour sur les populations au régime. Mais la prochaine
solution magique pourrait bien avoir un effet sur votre
exploitation.
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